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samedi, 06 octobre 2012

Juin 1941 : des Français tirent sur des Français

Juin 1941 : des Français tirent sur des Français
 

La campagne de Syrie et du Liban

par Nabucco

http://anti-mythes.blogspot.be/

En 1941, La Syrie et le Liban vivent depuis plus de 20 ans sous mandat français. Dés 1917-1918, la province de Syrie (regroupant à l’époque Syrie, Liban, Palestine, Jordanie) a apporté son aide aux alliés contre l’Empire Ottoman dont elle constitue une des plus riches provinces. Cependant, le rêve d’un Grand Orient indépendant est rapidement douché par la Conférence de San Remo et le Traité de Sèvres qui, en 1920, entérinent la dissolution de l’éphémère Royaume Arabe de Syrie et consacrent la présence française.

 
Les troupes françaises du Levant mettront sept ans ans (révolte de 1920-1923 et 1925-1927) pour pacifier le pays. Particulièrement le Nord où subsiste une forte hostilité des Alaouites et des Druzes. A partir de 1927, à défaut de souveraineté, la région se développe et se modernise (électrification, tramway, routes, écoles, agriculture moderne). Un début de libéralisation politique voit timidement le jour. En 1936, la France envisage d’accorder l’indépendance à la Syrie dans un délai de cinq ans. Néanmoins ce projet est définitivement enterré par le Parlement Français en 1938. Pour les puissances coloniales, à l’approche de la Seconde Guerre Mondiale, l’heure est au statu quo frileux, loin des grands bouleversements émancipateurs.

En 1939, nouveau camouflet pour les nationalistes arabes Syriens. Les Français désireux d’obtenir les bonnes grâces de la Turquie, cèdent à l’état kémaliste le sandjak d’Alexandrette, une petite province au Nord-Ouest de la Syrie où vit une minorité turque importante. Il s’agit de ménager la Turquie afin de conserver sa neutralité, voire de s’en faire une alliée contre l’Allemagne avec qui la guerre paraît imminente. Cette perte, considérée comme une annexion par les Syriens est encore, de nos jours, un sujet de querelle entre Turcs et Syriens.

Juin 1940. L’armée Française est défaite en six semaines par la Wehrmacht. Le Parlement Français vote à 88 % les pleins pouvoirs au Maréchal Philippe Pétain. Le 18 juin, un obscur général de brigade à titre temporaire nommé Charles de Gaulle lance un appel à la Résistance depuis la Radio de Londres. En juillet, à Vichy, dans la zone demeurée libre de l’occupant allemand, s’installe le gouvernement de l’État Français. Les forces militaires en métropole sont réduites à 100 000 hommes, sans aviation. La Marine de Guerre est neutralisée dans les ports de Toulon et Bizerte en Tunisie. L’escadre Française qui mouillait dans la rade de Mers el-Kebir en Algérie est bloquée, puis détruite par les Anglais le 3 juillet 1940 (1 300 morts, deux cuirassés, un croiseur et un contre-torpilleur mis hors de combat). Dans ce contexte, l’Armée du Levant (45 000 hommes, 120 canons, 90 chars et 289 appareils) constitue un enjeu stratégique en Méditerranée Orientale.

Troupes de l’Armée du Levant 1941.
 
Mai 1941. L’Irak, sous mandat britannique s’insurge et fait appel aux forces germano-italiennes pour combattre les Anglais (voir article précédent : Irak : d’une guerre l’autre http://www.egaliteetreconciliation..... Les Allemands négocient avec le gouvernement de Vichy le protocole de Paris (28 mai 1941). En échange d’un hypothétique allègement des conditions d’armistice, les Français accordent des facilités aux Allemands et à leurs alliés italiens en Méditerranée Orientale. Les Allemands et les Italiens sont autorisés à faire escale dans les aérodromes Syriens avant de rejoindre l’Irak en guerre contre les Britanniques (120 appareils de l’Axe transiteront pas la Syrie en mai 1941). Par ailleurs, une partie des armes stockées au Levant est livrée par les Français aux Irakiens. La Turquie autorise le transite de deux convois ferroviaires sur son territoire. Ce matériel obsolète, livré en renâclant, arrivera trop tard pour empêcher l’écrasement de la rébellion Irakienne par les Anglais. Le 12 mai 1941, en représailles, l’aviation britannique bombarde les aérodromes de Syrie.

Juin 1941. La conduite de la guerre en Syrie oppose les Britanniques aux Français Libres du général de Gaulle. Ces derniers veulent pénétrer en Syrie avec une petite force symbolique aux couleurs françaises dans le but de rallier les 45 000 hommes de l’Armée du Levant. L’idée n’est pas saugrenue, d’autant plus que les soldats Français ont été très perturbés par le transit vers l’Irak des appareils de la Luftwaffe et de la Regia Aeronautica italienne via les aérodromes syriens. Un an après le pire désastre de l’histoire de France, les cœurs ne sont pas apaisés. Le désir d’en découdre couve toujours sous la botte allemande. Mais il y a la manière. Les Britanniques en décident autrement. Ils veulent, une entrée en force. Une opération commune sous commandement britannique est décidée fin mai 1941. Désormais, on ne parlera plus de Français, mais de Gaullistes et de Vichystes.

7 juin 1941. Dans la nuit, les Britanniques déclenchent l’opération Exporter. Une force de 20 000 hommes attaque l’Armée Française du Levant forte de presque 40 000 militaires. Les Anglais qui s’attendaient à une randonnée de ’’Scouting for boys’’* sont confrontés à une résistance opiniâtre qui va durer cinq semaines. Les Français demeurés fidèles à ce qui leur semble le seul gouvernement national légitime suivent les ordres de Vichy et ne comprennent pas cet assaut. Du reste, plus aucun appareil allemand ou italien ne transite par la Syrie. Par ailleurs, l’intervention des Forces Françaises Libres de De Gaulle aux côtés des Britanniques apparaît comme un coup de poignard dans le dos.

L’opération Exporter est très académique dans sa conception et s’articule sur quatre axes. A l’extrême nord, les 17ème et 20ème Brigades d’infanterie Indienne sont chargées de cheminer au sud de la voie ferrée turque qui longe la frontière syrienne. Le but, malgré la faiblesse des moyens mis en œuvre, est important : interdire l’approvisionnement des troupes du Levant par la Turquie. Au centre, la 10ème division d’infanterie Indienne doit progresser sur la rive sud de l’Euphrate vers Alep la capitale du Nord. Plus au Sud, la Habforce (Légion Arabe et 4ème brigade de cavalerie Britannique) est chargée de se diriger, en plein désert, vers Palmyre et le terminal pétrolier de Tripoli au Liban. Enfin, à l’extrême Sud, le long de la côte libanaise et vers Damas, ont lieu, les attaques les plus importantes. Elles sont menées par la 7ème division australienne (moins sa 18ème Brigade qui se bat à Tobrouk en Lybie), deux brigades françaises libres (les 1ère et 2ème BFL de la 1ère Division Française Libre) et la 5ème Brigade indienne. La Royal Navy est chargée d’appuyer les troupes avec son artillerie de marine.

 
Durant une semaine, les attaques Britanniques marquent le pas et se heurtent à une résistance farouche de l’Armée du Levant. L’attaque frontale depuis le Nord de la Palestine est un échec. Il n’existe qu’une seule route côtière dominée par les Monts du Liban qui culmine à 3 000 mètres d’altitude. Un cadeau pour la défense qui fait des ravages parmi les troupes franco-australiennes. En parallèle, la percée vers Damas s’immobilise pour les mêmes raisons (relief escarpé). L’attaque de la Habforce progresse aisément dans le désert pour finir par stagner à l’approche des premiers contreforts des monts de l’anti-Liban, avant la vallée de la Bekaa. Globalement, il s’agit d’un échec pour cette première manche. Le général Wavell doit repenser son plan de bataille et d’abord recevoir des renforts.


Artillerie française de l’armée du Levant pendant les combats.
 
13 juin 1941. Deux Brigades de la 6ème division d’infanterie Britannique viennent renforcer le front au Sud de Damas. La Royal Air Force est renforcée par des prélèvements sur les forces positionnées en Egypte et en Irak. L’attaque Britannique reprend lentement. Sur le littoral, malgré la prise de Saïda, les progrès des franco-australiens sont très lents. Au Centre, la Habforce assiège la ville de Palmyre. Le 21 juin, Damas en Syrie tombe sous la pression des Britanniques, des Indiens et des Français libres.


Troupes Britanniques après la reddition de Palmyre le 3 juillet 1941.
 
A partir du 23 juin, la résistance des troupes françaises du Levant commence à donner des signes de faiblesse. A cette date, la Syrie est sous la pression d’un blocus naval et terrestre presque complet. Les unités françaises de l’Armée du Levant doivent se battre sans renfort et subissent une forte attrition. Les troupes du Commonwealth sont désormais plus nombreuses, mieux rafraîchies. Elles dominent la mer et les airs. Le 3 juillet 1941, Palmyre tombe. La 10ème division Indienne qui progresse le long de l’Euphrate s’approche dangereusement du centre de la Syrie, tandis que le 8 juillet les défenses françaises au sud de Beyrouth commencent à lâcher menaçant la capitale du Levant.
12 juillet 1941. Le Général Dentz, gouverneur de la province du Levant, après accord des autorités de Vichy, demande un cessez-le-feu et autorise la négociation d’un armistice. Celui-ci est signé, à Saint-Jean-d’Acre entre les Britanniques et les autorités de la Syrie mandataire le 14 juillet 1941. Les forces alliées ont perdu 4 000 hommes. Les Français de l’Armée du Levant dénombrent 6 000 victimes dont 1 000 tués, 37 000 d’entre eux sont faits prisonniers. Moins de 6 000 décideront de rallier la France Libre, les autres sont désarmés et renvoyés en France en août-septembre 1941.


Le Général Wilson signe la Convention de Saint Jean d’Acre en présence des délégués de Vichy.
 
Même si le pouvoir virtuel est détenu par les français libres, ceux-doivent compter sur la présence militaire amicale des Britanniques qui favorisent en sous-main les indépendantistes libanais et syriens. Les élections législatives de l’été 1943 portent au pouvoir les nationalistes syriens et libanais. Les gaullistes qui étaient intervenus en juin 1941 à la fois contre les forces de l’Axe, mais aussi les velléités hégémoniques britanniques doivent progressivement passer la main. Fin 1943 et début 1944, le Liban et la Syrie obtiennent leur indépendance. Au printemps 1945, Damas se soulève contre les derniers éléments militaires français qui y tiennent garnison. Un an plus tard, le 17 avril 1946, les dernières troupes françaises quittent le pays.
 
La campagne de Syrie-Liban s’inscrit dans la lutte entre les Britanniques et les forces de l’Axe germano-italien pour le contrôle de la Méditerranée Orientale et l’accès aux formidables réserves de pétrole du Moyen-Orient. En ce sens, cette bataille est le prolongement de la guerre d’Irak qui se déroula un mois auparavant (mai 1941). Le conflit qui oppose les Français de l’Armée du Levant aux Britanniques alliés aux forces françaises libres, bien que périphérique, revêt une grande importance stratégique pour l’effort de guerre allié.
 
En juin 1941, les Allemands mènent le siège du port de Tobrouk en Lybie, à quelques pas de la frontière égyptienne. Le 22 juin 1941, la Wehrmacht envahit l’URSS. La plupart des observateurs de l’époque ne donnent que quelques semaines de survie à l’Armée Rouge. Les Britanniques qui ont déchiffré les codes cryptés de la Wehrmacht (machine enigma) sont au courant depuis plusieurs semaines des projets d’Hitler concernant la Russie. A juste titre, ils craignent une poussée combinée de l’Afrika Korps vers le Proche Orient et de l’Ostheer, l’armée allemande en Russie, vers le Caucase et le Moyen-Orient. En ce sens, la présence d’une force de 40 000 français en Syrie et au Liban apparaît comme une menace pour les Britanniques qui se méfient de la neutralité du gouvernement de Vichy.

Par ailleurs, il ne sert à rien aux Britanniques de contrôler les champs pétroliers de Mossoul en Irak si la côte libano-syrienne n’est pas sécurisée. Les terminaux pétroliers des oléoducs se situent tous sur la côte méditerranéenne, l’un à Tripoli au Liban, l’autre à Haïfa en Palestine, à quelques kilomètres de la frontière libanaise. En mai 1941, les Irakiens coupent le pipeline reliant Kirkouk en Irak à Haïfa et redirigent le flux de pétrole vers le Liban vichyste au profit exclusif de l’axe germano-italien. Cette mesure de rétorsion est ressentie comme un casus belli par les Anglais qui décident alors de régler leur compte d’abord aux Irakiens, ensuite aux Français de l’Armée du Levant.
 
En ce qui concerne les Français, cette campagne est un épisode pénible de leur histoire. D’un côté, fidèle à une vieille tradition bourgeoise de compromission des élites , le gouvernement de Vichy, traîne des pieds, louvoie, ménage la chèvre et le chou, l’anglais et l’Allemand, pour finalement, perdre la chemise et le pantalon au profit de ses faux-amis ou de ses vrais ennemis. Cette vraie-fausse neutralité durera jusqu’en 1944 et l’arrivée des troupes alliées. Pour les gaullistes, le choix de l’alliance avec les Britanniques est net, même s’il n’est pas exempt d’arrière pensées. Les intérêts des Britanniques et de leur empire ne sont pas vraiment les mêmes que ceux des Français et le rapport de force est en défaveur de ces derniers. Dans ces conditions, à plusieurs reprises durant la Seconde Guerre Mondiale, on aura le sentiment d’assister à un marché de dupes.

La campagne de Syrie-Liban ne clôt pas la série des interventions Britanniques. Ceux-ci ont en juin sécurisé leur flanc sud en Syrie. Seule, au Nord-est, l’Iran demeure neutre, même si ses amitiés vont plutôt vers l’Axe par anglophobie. Le dernier acte de ce conflit périphérique se jouera dans ce pays en août et septembre 1941.
 
* Scouting for Boy : « Éclaireurs » est un ouvrage écrit par Robert Baden-Powell sur les fondements du scoutisme.
http://www.egaliteetreconciliation.fr
 
 
 

lundi, 16 juillet 2012

Il nuovo ordine giapponese in Asia nel 1941-42 rese inevitabile la fine del colonialismo occidentale

Il nuovo ordine giapponese in Asia nel 1941-42 rese inevitabile la fine del colonialismo occidentale

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

Non è uno sterile esercizio di retorica e non è neppure una forma di nostalgia verso la “ucronia” o “storia alternativa” teorizzata dal filosofo Charles Renouvier, in polemica con il determinismo positivista, domandarsi che cosa sarebbe accaduto se la politica giapponese in Asia, negli anni del secondo conflitto mondiale, fosse stata diversa da quella che è stata; o meglio, se avesse privilegiato alcuni elementi che pure in essa erano presenti, a scapito di altri – dettati specialmente dai militari – che finirono per prevalere nettamente.

 

Che cosa sarebbe accaduto, in particolare, se la “sfera di co-prosperità della grande Asia Orientale” non fosse stato un semplice slogan propagandistico, ma avesse tenuto nel debito conto le esigenze e le aspirazioni nazionali dei popoli coloniali, dalla Birmania alla Malacca, dall’Indocina alle Indie Orientali olandesi, per non parlare della Manciuria e dell’India stessa, la quale ultima, pur non essendo stata occupata dalle armate nipponiche, fu tuttavia minacciata da vicino, mentre un esercito nazionale indiano veniva armato ed istruito sotto la guida prestigiosa di Subhas Chandra Bose, già presidente del Partito del Congresso e oppositore della linea nonviolenta di Gandhi?

Che cosa sarebbe accaduto se, una volta occupato l’immenso territorio che va dalle pendici dell’Himalaya alle isole Salomone e dalla Manciuria a Singapore, le autorità giapponesi non si fossero limitate a sfruttare nel loro esclusivo interesse le forze indipendentistiche locali, ma avessero dato loro una effettiva autonomia, cointeressandole alla sconfitta finale delle potenze occidentali e stabilendo verso di esse un rapporto paritario, invece di spremere le risorse economiche ed umane di quei territori, con una spietatezza che fece loro rimpiangere, in molti casi, la precedente dominazione coloniale europea o (nel caso delle Filippine) americana?

Certo, si potrebbe rispondere che se ciò non avvenne, e l’ottuso militarismo giapponese sciupò in tal modo una straordinaria occasione di mobilitare l’immenso potenziale asiatico contro l’Occidente (si pensi solo a quel che accadde nel Vietnam dopo la guerra e il ritorno dei Francesi), ciò non fu per un caso o per una imprevedibile fatalità, ma perché le vedute politiche del governo giapponese e, in genere, della sua classe dirigente, non andarono mai oltre una visione grettamente nazionalistica e, diciamolo pure, razzista, fondata sulla presunta superiorità degli abitanti del Giappone imperiale, “stirpe divina” della dea Amaterasu, non solo rispetto ai detestati occidentali, ma anche rispetto agli altri popoli dell’Asia.

E ciò è innegabilmente vero.

Tuttavia, non si deve tacere il fatto che una minoranza di menti illuminate, specialmente fra i membri civili del governo imperiale nipponico, aveva invece compreso il grandissimo valore del nazionalismo pan-asiatico quale strumento di lotta contro l’Occidente; e, inoltre, che il processo di formazione di una moderna coscienza nazionale era già in atto, specialmente in alcuni Paesi (l’India in primis) e che, pertanto, una intelligente politica giapponese avrebbe dovuto soltanto assecondarlo e favorirlo, non già creare o “inventare” qualche cosa che ancora non esisteva, almeno nei Paesi più evoluti o dove esistevano delle élites culturalmente formate in senso europeo o americano, che avevano preso sul serio la lezione del Risorgimento italiano e, in genere, della lotta per l’indipendenza dei popoli europei prima e dopo la guerra 1914-18.

Potremmo spingere lo sguardo ancora più in là e domandarci che cosa sarebbe avvenuto se una siffatta politica, lungimirante e realistica, fosse stata adottata dalle forze dell’Asse in Europa, particolarmente dalle autorità tedesche in Polonia, Ucraina, Russia e nei Balcani, oltre che in Francia, Belgio, Olanda, Danimarca e Norvegia, invece di instaurare un regime di occupazione che deluse e disgustò quelle stesse popolazioni che, in un primo tempo, avevano accolto l’avanzata germanica con sentimenti in parte favorevoli o, comunque, ancora incerti e suscettibili di positivi sviluppi. Si pensi, ad esempio, a come sarebbero potute andare le cose sul fronte orientale, se l’armata anticomunista del generale Vlasov fosse stata dotata di mezzi adeguati e se questa carta fosse stata giocata dai Tedeschi prima e con più convinzione, e non quando ormai le sorti della guerra in quel teatro erano praticamente segnate.

Ciò equivarrebbe a domandarsi se la seconda guerra mondiale, nel suo complesso, fu davvero combattuta tra le forze del “nuovo” e quelle del “vecchio”, ossia, come recitava la propaganda fascista, tra “il sangue” e “l’oro”; o se non fu, invece (e salvo alcune eccezioni) l’ennesimo scontro fra potenze, vecchie e nuove, interessate solo a uno sfruttamento miope ed egoistico delle risorse mondiali, secondo gli schemi collaudati nei secoli della modernità, dall’avventura dei “conquistadores” spagnoli in avanti.

In questo senso, si potrebbe anche dire che l’unico membro del Tripartito le cui vedute andavano, almeno in parte, al di là di tale visione grettamente obsoleta della politica estera, era proprio l’Italia; e i maligni potrebbero aggiungere che ciò avveniva proprio perché, essendo la potenza più debole, non aveva forze bastanti per condurre una vera politica imperiale e doveva necessariamente puntare più a destabilizzare gli imperi avversari, facendo leva sui nazionalismi dei popoli soggetti. Così si può interpretare la politica filo-islamica e filo-araba di Mussolini, finché la valle del Nilo e il Canale di Suez furono a portata delle forze italo-tedesche del Nordafrica; e così le simpatie del Gran Muftì per l’Italia, almeno fino a che le vicende della guerra, a noi sfavorevoli, non lo indussero a rivolgersi piuttosto verso la Germania.

Inoltre, per far leva sui nazionalismi dei popoli coloniali sarebbe stato necessario mostrare la capacità militare di aiutarli validamente a scrollare il giogo delle potenze alleate; mentre l’esito disastroso della rivolta anti-inglese irachena scatenata da Rashid Ali el Gaylani nell’aprile-maggio 1941, e la palese incapacità dell’Asse di supportarla in maniera adeguata, mostrarono al mondo arabo che non vi erano margini concreti per una azione coordinata con la Germania e l’Italia per colpire in modo decisivo l’Impero britannico in quell’area.

Anche in Europa, è noto che la politica italiana prima della seconda guerra mondiale era stata piuttosto quella di aggregare una coalizione danubiano-balcanica in funzione antifrancese e antibritannica, piuttosto che quella di sottomettere direttamente quelle nazioni. Tale politica era culminata con la firma del cosiddetto protocollo di Roma, il 17 marzo 1934, fra Mussolini, Dollfuss e Gömbös, primo ministro magiaro, che in pratica includeva l’Austria a l’Ungheria nella sfera d’influenza italiana; ma si era poi sgretolata con l’abbandono del “fronte di Stresa” e con il riavvicinamento italo-tedesco del 1936, all’epoca della guerra d’Etiopia, quando (per usare l’espressione dello storico Gordon Brook Shepherd) l’attenzione di Mussolini fu spostata dal bacino del Danubio all’alto corso del Nilo.

Nei primi mesi del 1943, dopo la duplice sconfitta di El Alamein e di Stalingrado, un nuovo blocco fra l’Italia e gli scoraggiati alleati minori dell’Asse (Ungheria, Romania, Bulgaria) stava potenzialmente riformandosi, con l’obiettivo a breve termine di persuadere Hitler, d’accordo col Giappone, a giungere ad una pace negoziata con l’Unione Sovietica; o, in alternativa, ad uscire dal Tripartito e abbandonare l’alleanza con la Germania. Ma le vicende del 25 luglio e, poi, dell’8 settembre, fecero abortire il tentativo: e si noti che ancora la mattina dopo il voto del Gran Consiglio e poche ore prima di essere arrestato, Mussolini si incontrava con l’ambasciatore giapponese a Roma, Hidaka, per concertare la pressione da svolgere su Hitler in vista dell’apertura di una trattativa coi Sovietici.

Ma torniamo al Giappone e al suo mancato sfruttamento della politica panasiatica basata sugli slogan della “co-prosperità” e della “più grande Asia orientale”.

Non si dimentichi che la guerra del Pacifico è tuttora considerata, dai Giapponesi, come una episodio a sé stante, staccato dal contesto che gli storici europei e americani chiamano, genericamente, la “seconda guerra mondiale”; e che essa incominciò non dopo l’attacco di Hitler alla Polonia, e cioè con il bombardamento di Pearl Harbor del 7 dicembre 1941, ma alcuni anni prima, e cioè con l’incidente al ponte Marco Polo di Pechino e con l’inizio della guerra sino-giapponese, il 7 luglio 1937.

Al tempo stesso, essi la considerano – e non del tutto a torto – come una guerra sostanzialmente difensiva, cui il Giappone fu tirato per i capelli dalla politica statunitense mirante ad accerchiarlo e metterlo in ginocchio con il blocco delle importazioni di materie prime. Anche la strategia giapponese fu originata essenzialmente da esigenze economiche: in particolare, la campagna delle Indie Olandesi fu dettata dalla necessità di impadronirsi del petrolio necessario all’industria bellica e specialmente alla flotta (più o meno come il petrolio romeno era indispensabile alla macchina bellica tedesca); e la campagna di Malacca, culminata nell’attacco a Singapore, non fu che la sua necessaria premessa tattica.

Tali esigenze economiche spiegano, almeno in parte, la diversità di trattamento riservata dal Giappone alle forze indipendentiste indonesiane (ma sarebbe meglio dire giavanesi, dato che un sentimento nazionale indonesiano ancora non esisteva) rispetto a quelle indiane, birmane o allo stesso governo fantoccio cinese. Infatti, Giava, Sumatra, Borneo e Celebes dovevano restare delle semi-colonie nipponiche, di cui la madrepatria non avrebbe potuto fare a meno senza dover rinunciare a tutta la sua politica imperiale; mentre gli altri Paesi, una volta divenuti indipendenti, avrebbero anche potuto essere trattati come soci alla pari, o quasi.

Il potenziale rivoluzionario dell’India, in particolare, era immenso; e fu certo un grave errore quello di non aver sostenuto in maniera convinta il movimento di Chandra Bose, lesinandogli i mezzi e trattandolo con malcelata diffidenza. Una rivolta indiana alle spalle del fronte birmano avrebbe potuto avere conseguenze incalcolabili e far crollare il dominio coloniale britannico; mentre in Birmania, nel 1944, l’ultima offensiva giapponese si risolse in un disastro, quando già l’Assam e il Bengala sembravano a portata di mano, cosa che provocò la fine del sogno di Bose (che aveva stabilito la sede provvisoria del suo governo, l’Hazad Hind, a Port Blair, nelle Isole Andamane). Per inciso, di Bose si parla ancor oggi poco e malvolentieri, fra gli storici occidentali: un po’ perché gli si preferisce l’immagine più rassicurante del Mahatma Gandhi, e molto perché Bose fu amico di Mussolini e Hitler, ciò che lo rende politicamente impresentabile nel salotto buono della cultura democratica odierna, tutta miele e buone intenzioni.

Generalmente, poi, in Occidente si pensa che la guerra doveva finire come è finita, data la sproporzione delle forze in campo; e la tenacissima resistenza delle forze armate giapponesi a Tarawa, Okinawa, Iwo Jima, viene immancabilmente presentata come un esempio di fanatismo folle e irresponsabile, dettato dal disprezzo della vita umana. Per un Occidentale, è cosa ovvia che, quando la superiorità materiale del nemico si delinea schiacciante, non resta altro da fare che arrendersi; ma ciò deriva dalla concezione materialistica della storia, e più in generale della vita, tipica dell’Occidente.

Per la cultura giapponese, e più specificamente per la religione scintoista, quel che conta non è un preventivo puramente materiale delle forze in campo, ma la capacità del singolo individuo di sacrificarsi fino all’estremo, se necessario, per la salvezza comune (della squadra, del gruppo, della patria): solo così si può entrare nella giusta ottica per comprendere il fenomeno dei “kamikaze” o quello dei soldati che rifiutarono di arrendersi e continuarono a resistere, nella giungla di qualche sperduta isola del Pacifico, per molti e molti anni dopo che la guerra era cessata.

Dunque, se il Giappone fosse stato in grado di mobilitare a fondo le forze nazionaliste dell’India, della Birmania, della Malesia, delle Filippine e delle Indie Orientali olandesi, non è scontato che la guerra sarebbe finita come è finita; del resto, la guerra del Vietnam e, poi, quella dell’Afghanistan, hanno mostrato cosa può fare un piccolo popolo, privo di armi moderne e di una moderna industria, contro una superpotenza mondiale, purché la coscienza nazionale sia salda e le condizioni del terreno siano favorevoli alla guerriglia.

Fra parentesi, lo stesso ragionamento si può fare a proposito dell’Europa, se la Germania avesse saputo giocare meglio la carta russa, mobilitando tutte le forze anticomuniste, ma non offrendo a Stalin – come invece accadde – la possibilità di presentarsi come il difensore del sacro sentimento nazionale e di ricevere perfino la benedizione della Chiesa ortodossa, da lui così crudelmente perseguitata fino alla vigilia dell’invasione tedesca. Oppure – già vi abbiamo accennato – se l’Italia avesse saputo giocare meglio la carta araba, per colpire gli Inglesi nel Mediterraneo e per minacciare le loro posizioni nel Medio Oriente.

Siamo proprio sicuri che la seconda guerra mondiale doveva necessariamente finire come è finita, solo perché il potenziale industriale e militare degli Alleati superava di molto quello del Tripartito? Non è forse vero che, coordinando la loro azione politico-militare (non diciamo: coordinandola meglio, perché non la coordinarono affatto), i Paesi del Tripartito sarebbero stati in grado di vincere: in particolare, se i Giapponesi avessero attaccato l’Unione Sovietica nell’autunno-inverno del 1941, quando la Wehrmacht era giunta alle porte di Mosca?

La politica giapponese in Asia orientale durante la seconda guerra mondiale è stata così sintetizzata dall’inglese Richard Storry, studioso del nazionalismo giapponese, nel suo libro Storia del Giappone moderno (titolo originale: A History of Modern Japan, Penguin Books, 1960; tradizione italiana di Laura Messeri, Firenze, Sansoni, 1962, pp. 268-71):

«I tedeschi, esperti nel genocidio nei loro rapporti con gli ebrei e i popoli della Russia e dell’Europa orientale, nel complesso si comportarono correttamente verso i prigionieri di guerra americani, inglesi e francesi caduti nelle loro mani. I giapponesi che non arrivarono mai agli abissi di spietatezza in cui piombarono le SS tedesche nel loro programma di sterminazione [sic] scientifica, inasprirono i loro nemici per il modo brutale e disordinato con cui sfruttarono e abbandonarono i prigionieri. Simili crudeltà si manifestarono nei riguardi del grosso dei popoli asiatici che caddero sotto il controllo giapponese; e ciò oltre che immorale fu pazzesco. Ciò significò che i Giapponesi ben presto dissiparono il rispetto e la simpatia con cui erano stati accolti in molte parti dell’Asia sudorientale dopo le prime grandi vittorie. Gli amministratori o consiglieri civili inviati da Tokyo in certe località, vi venivano trattati in modo da sentirsi inferiori alle autorità militari; e fra queste, nelle aree occupate, nessuna era più potente dell’odiato “kempei”, o polizia militare, che dominava col terrore seminando la paura e guadagnandosi così l’odio di coloro che avevano sperato nei Giapponesi come amici piuttosto che come conquistatori. Il risultato fu che i Giapponesi rovesciato il vecchio ordine, fecero in modo, col loro folle comportamento, che il popolo dell’Asia sud-orientale non accettasse mai volentieri il programma di “sfera di prosperità comune” sostenuta dal Giappone, dal momento che questo pratica significava passare da un colonialismo a un altro. Il movimento di resistenza sviluppatosi in paesi come le Filippine, la Birmania e la Malacca fu fortemente soggetto, come in Europa, all’influenza comunista, e in realtà lo sviluppo del comunismo fu un importante retaggio del malgoverno giapponese nell’Asia sud-orientale. Inoltre i rigori dell’occupazione giapponese specialmente nelle Filippine, creano un pregiudizio che rallentò il rientro del Giappone come esportatore nei mercati dell’Asia sud-orientale dopo la guerra.

Detto ciò, sarebbe nondimeno erroneo liquidare come completamente insincero e inefficiente il motto di guerra del Giappone “un’Asia orientale più grande!”. Sebbene i militari sul luogo si comportassero nel complesso con scarso riguardo per la suscettibilità delle razze asiatiche sotto il lotro controllo, il governo di Tokyo era abbastanza in grado di comprendere il nazionalismo asiatico. Lo stesso Tojo aveva sufficiente immaginazione per accorgersi che, promettendo l’indipendenza ai territori coloniali e semi-coloniali dell’Asia sud-orientale, il Giappone aveva un’arma di propaganda di incalcolabile potere. Non mancava l’idealismo nella visione di un Giappone come forza liberatrice dell’Asia, come socio più vecchio, piuttosto che come dittatore di un gruppo di nazioni da poco indipendenti. Questo era il nobile sogno degli uomini migliori della vita pubblica; e la maggior parte di essi videro malvolentieri entrare in guerra; per molti di loro poi la guerra fu giustificata solo in misura che questo sogno potesse divenire realtà. Ma fra i comandanti civili e militari, non c’era cooperazione su base di parità. Le forze armate avevano la preminenza e fra di loro, più specialmente nel’esercito, predominavano persone dalla mentalità ristretta e grossolanamente interessata. Per esempio, gli ufficiali giapponesi con un po’ più di immaginazione si erano ben accorti che i capi del cosiddetto “esercito nazionale indiano (un esercito costituito di vecchi prigionieri di guerra indiani e residenti indiani nell’Asia sud-orientale) andavano trattati come alleati, non come dei semplici fantocci; dopotutto, l’arrivo dall’Europa di Subhas Chandra Bose per capeggiare il governo della “India libera” poteva essere considerato un importantissimo punto di vantaggio per la causa giapponese. Eppure l’atteggiamento della maggior parte dei giapponesi verso l’esercito nazionale indiano, può essere riassunto da Terauchi, il generalissimo del’Asia sud-orientale, il quale fece sapere come egli disprezzasse alquanto Chandra Bose e i suoi seguaci. Parlando con altri Giapponesi, Terauchi notò che suo padre, che egli rispettava grandemente, quando era governatore generale della Corea, non aveva affatto tempo per i movimenti coloniali d’indipendenza. Così la conferenza dell’”Asia Orientale più grande” tenuta a Tokyo nel novembre 1943 e indetta dal Primo Ministro, con la presenza di Wang Ching-wei in rappresentanza della Cina, e i capi politici del Manchukuo, del Siam, delle Filippine, della Birmania e della “India libera”, fu una faccenda alquanto priva di significato. Esser festeggiati a Tokyo non compensava gli schiaffi ricevuti a Rangoon o a Manila.

Tuttavia, la concessione di una sia pur apparente indipendenza ai paesi occupati d’Asia (nelle Indie Orientali olandesi ciò non avvenne fino agli ultimi giorni di guerra) significava che sarebbe stato moralmente impossibile per le nazioni coloniali occidentali rifiutare loro una indipendenza effettiva una volta sconfitto il Giappone. Là dove nel dopoguerra l’indipendenza fu calorosamente richiesta, e poi rifiutata, i popoli asiatici in questione ebbero abbastanza fiducia in sé da conquistarsela con la lotta; così le vittorie giapponesi distruggendo la mistica della supremazia bianca, e la politica giapponese accordando ai territori occupati almeno una forma esteriore di indipendenza, accelerarono moltissimo la nascita nel dopoguerra delle nuove nazioni dell’Asia meridionale e sud-orientale.»

In conclusione, il Giappone non seppe sviluppare le potenzialità offerte dalla presenza, nei territori asiatici da esso conquistati o minacciati durante la seconda guerra mondiale, di movimenti nazionalisti più o meno sviluppati, che avrebbero potuto dare un contributo decisivo alla sconfitta degli Alleati e all’instaurazione di un “nuovo ordine” in Asia orientale.

Ciò fu una conseguenza del fatto che la politica giapponese, e specialmente la politica estera, erano virtualmente nelle mani di una casta di generali e di ammiragli dalle vedute corte, imbevuti di un nazionalismo gretto e di un senso di superiorità razziale che li portava a guardare ai popoli della Corea, della Manciuria, della Cina, dell’Indocina, delle Filippine, delle Indie Orientali e della stessa India, con un disprezzo mal dissimulato.

Ciò spinse la stragrande maggioranza di quei popoli ad astenersi dalla collaborazione attiva con i Giapponesi, i quali, da parte loro, li trattarono con stupida ed inutile durezza, un po’ come fecero i Tedeschi in Europa e specialmente in Europa orientale. Le premesse ideologiche dei regimi nipponico e germanico erano simili, così come erano simili alcuni tratti dello sviluppo economico-sociale dei due Paesi tra la fine dell’Ottocento e la prima metà del Novecento; anche se i due sistemi politici erano molto diversi perché, nel Giappone scintoista dominato dal culto della divina persona dell’imperatore, una figura come quella del Füher sarebbe stata impensabile.

Qualcuno ha detto che non si può versare del vino vecchio in otri nuovi e, in questo senso, la politica giapponese (e tedesca) negli anni della seconda guerra mondiale fu vecchia nella sostanza, nel senso che ricalcava i moduli classici del nazionalismo e dell’imperialismo, anche se talune trovate propagandistiche avevano, in effetti, l’apparenza del nuovo.

Nuova, semmai, era la politica del fascismo, o almeno suscettibile di elementi di novità, dato che essa faceva appello non a un cieco egoismo nazionale, ma a valori e riferimenti di portata trans-nazionale; tanto è vero che ad essere imitato nel mondo fu il modello fascista italiano, non quello nazista tedesco e meno ancora quello imperiale giapponese. Cade, perciò, il mito che fa parlare gli storici occidentali di “nazifascismo” come di una categoria perfettamente logica ed omogenea, persino ovvia. L’alleanza tra fascismo e nazismo era, in origine, tattica e non strategica; quello che la trasformò in un abbraccio mortale furono la stupidità e la miopia della politica francese e soprattutto inglese, fra il 1935 e il 1940.

Comunque, se si vuol capire qualcosa dei Paesi asiatici e africani dopo il 1945, bisogna ricordare questo: che l’Italia fascista, più della Germania e più del Giappone, fu un modello per una intera generazione di giovani nazionalisti, i quali, dopo la fine della guerra, andarono al potere nei rispettivi Paesi, una volta raggiunta l’indipendenza.

Tanto per citarne uno, tale è il caso di Anwar el Sadat, imprigionato dai Britannici durante la seconda guerra mondiale per essersi rivolto alle potenze dell’Asse allo scopo di ottenere l’indipendenza dell’Egitto. Non tutti, ad Alessandria e al Cairo, facevano il tifo per il maresciallo Montgomery, quando i carri armati di Rommel si erano spinti fino ad El Alamein, come agli storici occidentali piacerebbe credere far credere; e meno che meno gli Egiziani, ossia i più diretti interessati all’esito della battaglia.

Di Chandra Bose abbiamo già detto, così come abbiamo accennato al Gran Muftì di Gerusalemme; e lo stesso si potrebbe dire di molti altri. Certo, alcuni di questi leader non piacciono all’Occidente, ad esempio – come nel caso del Gran Muftì – a causa del loro conclamato e virulento antisemitismo. Ma questo è un altro discorso; e, in ogni caso, è un problema inerente alla visione del mondo occidentale; un problema nostro, insomma.

Comunque, tornando al Giappone, un risultato importantissimo la sua politica panasiatica lo ottenne, indipendentemente dal fatto che quella politica rimase allo stato di abbozzo o di mera propaganda: e cioè che essa rese inevitabile e quasi immediata la partenza delle potenze coloniali occidentali, a guerra finita.

Chi avrebbe potuto immaginare, ancora pochi anni prima, che già nel 1947 l’India sarebbe diventata una grande nazione indipendente, sia pure a prezzo della secessione del Pakistan; e che, nel 1949, la stessa cosa sarebbe accaduta per l’Indonesia, altro gigante mondiale: i quali sono, oggi, rispettivamente il secondo Stato del pianeta (l’India), il quarto (il Pakistan) e il quinto (l’Indonesia), per numero di abitanti?

* * *

Tratto, col gentile consenso dell’Autore, dal sito Arianna Editrice.

dimanche, 08 juillet 2012

Viol de masse des Françaises en 1945

 

Viol de masse des Françaises en 1945 (1 + 2)

jeudi, 21 juin 2012

Jean Prévost, homme libre et rebelle

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Jean Prévost, homme libre et rebelle

par Pierre LE VIGAN

 

Qui connaît encore Jean Prévost ? Assurément plus grand monde. Cet oubli est de prime abord étonnant. Voici un écrivain français, intelligent bien qu’intellectuel, patriote sans être anti-allemand, anti-hitlérien sans être communiste, il fut aussi maquisard et fut tué dans le Vercors durant l’été 44.

 

La France d’après-guerre a fort peu honoré cet homme, non plus que la France actuelle. L’air du temps est à la contrition mais pas à l’admiration. Jean Prévost a pourtant des choses à nous dire : sur le courage et sur l’intelligence, et sur le premier au service de la seconde comme l’avait rappelé Jérôme Garcin (1).

 

Dominique Venner écrit de son côté : « Pamphlétaire, critique littéraire et romancier, Jean Prévost venait de la gauche pacifiste et plutôt germanophile. C’est le sort injuste imposé à l’Allemagne par les vainqueurs de 1918 qui avait fait de lui, à dix-huit ans, un révolté. Depuis l’École normale, Prévost était proche de Marcel Déat. Il fréquentait Alfred Fabre-Luce, Jean Luchaire, Ramon Fernandez. À la fin des années Trente, tous subirent plus ou moins l’attrait du fascisme. Tous allaient rêver d’une réconciliation franco-allemande. Tous devaient s’insurger contre la nouvelle guerre européenne que l’on voyait venir à l’horizon de 1938. Lui-même ne fut pas indifférent à cet « air du temps ». En 1933, tout en critiquant le « caractère déplaisant et brutal » du national-socialisme, il le créditait de certaines vertus : « le goût du dévouement, le sens du sacrifice, l’esprit chevaleresque, le sens de l’amitié, l’enthousiasme… (2) ». Une évolution logique pouvait le conduire, après 1940, comme ses amis, à devenir un partisan de l’Europe nouvelle et à tomber dans les illusions de la Collaboration. Mais avec lui, le principe de causalité se trouva infirmé. « Il avait choisi de se battre. Pour la beauté du geste peut-être plus que pour d’autres raisons. Il tomba en soldat, au débouché du Vercors, le 1er août 1944.  (3) ».

 

Jean Prévost est d’abord un inclassable : ni communiste, ni catholique, ni même communiste-catholique comme beaucoup, rationnel sans être rationaliste, progressiste sans être populiste au sens démagogique, patriote sans être nationaliste. Un intellectuel nuancé et, dans le même temps, un homme privé vif, tourmenté, sanguin, passionné, exigeant vis-à-vis de lui-même. Un aristocrate. Stendhal dont Prévost fut un bon spécialiste disait que le « vrai problème moral qui se pose à un homme comblé » est : « que faire pour s’estimer soi-même ? ». Jean Prévost fit sien ce problème. Pour y répondre, il « raturait sa vie plutôt que son œuvre ». Et il se « dispersait » dans une multiplicité de centres d’intérêt : critique littéraire, cosmologie et polémologie, philosophie du droit et architecture… En fait, Jean Prévost foisonnait. Sa pseudo-dispersion était profusion. « Jamais de ma vie je n’ai pu rester un jour sans travailler. »

 

Éloigné de tout dandysme, Jean Prévost veut savoir pour connaître. Son travail intellectuel est ainsi un « rassemblement » de lui-même, une mise en forme de son être, qui se manifeste par des prises de position rigoureuses et souvent lucides. Grand travailleur tout autant que grand sportif, Jean Prévost attend que le sport lui fournisse « ce bonheur où tendait autrefois l’effort spirituel ». C’est aussi pour lui un antidote à la civilisation moderne. « Les Grecs, écrit-il, s’entraînaient pour s’adapter à leur civilisation. Nous nous entraînons pour résister à la nôtre. »

 

Malgré la diversité de ses dons, Prévost évoque le mot de Stendhal sur ceux qui « tendent leur filet trop haut ». Il fait partie de ceux qui « pêchent par excès ». Mais c’est un moindre défaut car, comme Roger Vaillant le dit à propos de Saint-Exupéry, « l’action le simplifie ». Et Prévost est un homme d’action. Jean Prévost est aussi aidé par une idée simple et robuste de ses devoirs et de ce qui a du sens dans sa vie : le plaisir, l’amour de ses enfants, les amis, le souci de l’indépendance de son pays.

 

vercors-tombe-jean-prevost-img.jpgTrop païen pour ne pas trouver que la plus détestable des vertus – ou le pire des vices – est la « reconnaissance » envers autrui, trop français pour ne pas avoir le sens de l’humour, « décompliqué des nuances », mais plein de finesse et de saillies (en cela nietzschéen). Jean Prévost se caractérise aussi par la temporalité rapide de son écriture qui est celle du journalisme. C’est ce sens du temps présent qui l’amène (tout comme Brasillach, mais selon des modalités fort différentes), à l’engagement radical, c’est-à-dire, dans son cas, à la lutte armée contre les Allemands dans le maquis du Vercors. C’est là que cet homme, multiple, entier, solaire, trouva sa fin. Il avait écrit : « il manque aux dieux-hommes ce qu’il y a peut-être de plus grand dans le monde; et de plus beau dans Homère : d’être tranché dans sa fleur, de périr inachevé; de mourir jeune dans un combat militaire ».

 

Pierre Le Vigan

 

Notes

 

1 : Jérôme Garcin, Pour Jean Prévost, Gallimard, 1994.

 

2 : Idem.

 

3 : Dominique Venner, dans La Nouvelle Revue d’Histoire, n° 47, 2010.

 

• Publié initialement dans Cartouches, n° 8, été 1996, remanié pour Europe Maxima.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

mardi, 05 juin 2012

Der Himmel glüht wie bei einem Vulkanausbruch

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„Der Himmel glüht wie bei einem Vulkanausbruch“

Von Egon W. Scherer

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

Am 4. Juni 1942 notiert der SS-Sicherheitsdienst in seinen geheimen „Meldungen aus dem Reich“: „Die verstärkte Angriffstätigkeit der britischen Luftwaffe auf deutsche Städte, insbesondere der Terrorangriff auf Köln, haben im gesamten deutschen Volk Bestürzung ausgelöst und stehen zahlreichen Meldungen zufolge im Mittelpunkt aller Gespräche und Erörterungen der Volksgenossen...“

Wenige Tage zuvor war es mit dem britischen Luftschlag gegen Köln zum ersten Tausend-Bomber-Angriff auf eine deutsche Stadt und zum Auftakt des sogenannten „Moral Bombing“ gekommen. Verantwortlich dafür: Der Oberbefehlshaber der britischen Bomberflotte, Luftmarschall Sir Arthur Harris.

Harris wird immer ein Kriegsheld von zweifelhaftem Ruhm bleiben. Unter seinem Kommando und nach seinem Konzept überzogen die Flieger der Royal Air Force Deutschlands Städte mit einem gezielten Flächenbombardement, dem mehr als 600 000 Zivilisten zum Opfer fielen. Die Luftangriffe galten bewußt den Wohnvierteln der Städte, und zwar da, wo sie am dichtesten waren, speziell in den Arbeitervierteln.

Die „Moral“ der Zivilbevölkerung sollte gebrochen werden, sie sollte kriegsmüde werden und gegen die eigene Regierung revoltieren. Allerdings führte dieses „Moral Bombing“ nie zum erstrebten Ziel.

In Deutschland als „Bomber-Harris“ eine Schreckgestalt, sah sich Harris auch im alliierten Lager zunehmender Kritik ausgesetzt, die dazu führte, daß er nach dem Krieg lange bei Auszeichnungen übergangen wurde. Doch schließlich stiftete ihm eine Veteranen-Vereinigung ehemaliger Bombenflieger ein überlebensgroßes Bronzedenkmal, das am 31. Mai 1992 in London, sogar durch die Königinmutter, feierlich eingeweiht wurde. Proteste von Bürgermeistern deutscher Städte, die von den Harris-Bombern besonders schwer getroffen wurden, verhallten ungehört.

Klotzen, nicht kleckern

50 Jahre vor dieser denkwürdigen Denkmalseinweihung erbrachte Luftmarschall Harris den Beweis für die von ihm propagierte Effektivität massiver Bombardierungen mit einem spektakulären Ereignis: dem ersten „Tausend-Bomber-Angriff“ der britischen Luftwaffe, der vor jetzt 70 Jahren, in der Nacht vom 30. auf den 31. Mai 1942, die Stadt Köln traf.     

Am 14. Februar 1942 hatte das englische Luftfahrtministerium die Area Bombing Directive („Anweisung zum Flächenbombardement“) herausgegeben. Anlaß war, daß alle bisherigen Angriffe auf Punktziele schlechte Ergebnisse erbracht hatten. Am 22. Februar wurde Arthur Harris zum Oberbefehlshaber des Strategischen Bomberkommandos der britischen Luftwaffe ernannt.

Er galt als konsequenter Vertreter der Lehren von Douhet – eines 1930 verstorbenen italienischen Generals, nach dessen Auffassung künftige Kriege allein durch rücksichtslose Luftangriffe entschieden werden sollten (Hauptwerk: „Il dominio dell' aria“ = „Die Luftherrschaft“, 1921). Auch Harris war davon überzeugt, daß Bomber den Krieg gewinnen könnten. Allerdings – dabei mußte geklotzt, nicht gekleckert werden.

Paukenschlag ohnegleichen

Schon Ende März hatte der neue Chef des „Bomber Command“ die Angriffstaktik gewechselt. Statt wie bisher Luftangriffe mit kleineren Bomberverbänden in mehreren Wellen zu fliegen, ging er zu Flächenbombardements mit starken Verbänden über. Opfer der ersten Aktion von „Area Bombing“ wird die Stadt Lübeck. In der Nacht vom 28. zum 29. März 1942 werfen 234 Maschinen 304 Tonnen Brand- und Sprengbomben über der Stadt ab, darunter auch die bisher noch nicht erprobten Flüssigkeitsbrandbomben (im Volksmund „Kanister“).

32 Stunden lang brennt die Lübecker Altstadt und wird fast völlig zerstört. Wichtigste Erkenntnis für die Briten aus diesem Angriff: Brandbomben verursachen im Vergleich zu Sprengbomben rund das Sechsfache an Zerstörungen.    

Die Brandbombe hatte also ihre Generalprobe bestanden. Ein neuer Schlag vier Wochen später, gegen Rostock, bestätigte die Wirksamkeit der neuen Angriffstaktik. Da gewinnt Harris die Zustimmung von Premierminister Churchill zu einer gewaltigen Machtdemonstration der Royal Air Force: Mit einem Paukenschlag ohnegleichen will er die Deutschen das Fürchten lehren und in England alle Skeptiker zum Schweigen bringen, die daran zweifeln, daß man das Dritte Reich auch ohne Invasion, allein durch den Bombenkrieg, in die Knie zwingen kann.

Über Köln bricht die Hölle los

Mit tausend Bombern, das doppelte von dem, was die deutsche Luftwaffe bei ihren schwersten Angriffen 1940/41 gegen England aufgeboten hat, soll Köln niedergebomt werden. Allerdings hat das Bomberkommando nur eine Einsatzstärke von etwa 480 Maschinen. Daher werden die fehlenden Flugzeuge von überallher zusammengetrommelt. Selbst Flugschüler und die unersetzlichen Fluglehrer sitzen in den akquirierten Maschinen.

In der Nacht zum 31. Mai 1942 startet tatsächlich eine Luftarmada von 1.047 Flugzeugen von 53 Flugplätzen in Richtung Deutschland. 13 verschiedene Bombertypen sind dabei, aber auch zum erstenmal Langstrecken-Nachtjäger. Sir Harris hat dem Vorhaben den Titel „Operation Millennium“ („Unternehmen Jahrtausend“) gegeben.

Über Köln bricht in dieser Nacht die Hölle los. Bis zu diesem Zeitpunkt haben schon 106 britische Luftangriffe die leidgeprüfte Stadt getroffen, aber diese sind nur von jeweils bis zu 40 Maschinen geflogen worden. Nun lassen 890 Bombenflugzeuge, die Köln erreichen, innerhalb von 90 Minuten rund 1.500 Tonnen Bomben, darunter zwei Drittel Brandbomben, auf die Domstadt prasseln.

„Bomber-Harris“ konnte zufrieden sein

Tausende von Bränden werden entfacht, tausende von Häusern sinken in Schutt und Asche. Der angerichtete Schaden ist viermal größer als bei allen früheren Luftangriffen zusammen. „Der Himmel über Köln glüht wie bei einem Vulkanausbruch“, notiert ein mitfliegender Kriegsberichter.

Die Verluste unter der Zivilbevölkerung sind angesichts des furiosen Angriffs noch erstaunlich gering: 469 Tote, 5.000 Verletzte. Es erweist sich, daß die Kölner schon hinreichend Luftkriegserfahrung haben und zudem über gut ausgebaute Luftschutzräume verfügen. Die Briten verloren bei dem Tausend-Bomber-Angriff 44 Maschinen, also vier Prozent. „Bomber-Harris“ konnte zufrieden sein. Wenige Tage später startete das Bomberkommando seinen nächsten Tausend-Bomber-Angriff, diesmal auf Essen.

vendredi, 11 mai 2012

Le Procès de Tokyo

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Moestasjrik / “ ’t Pallieterke”:

Le Procès de Tokyo

archive029.jpgNous savions déjà que l’Inde a fourni au casting de la seconde guerre mondiale un personnage très original, Subhas Chandra Bose. L’acte final de la seconde guerre mondiale s’est joué sur un front judiciaire et non plus guerrier avec les procès de Nuremberg et Tokyo, où les vainqueurs ont soumis les vaincus à leur jugement. Lors du procès de Tokyo, c’est un autre Indien qui a ravi la vedette, le juge Radhabinod Pal.

A l’époque, et aussi ultérieurement, de nombreux juristes ont émis des jugements négatifs sur la correction du procès de Nuremberg. Parmi eux, il faut compter Hartley Shawcross, le procureur britannique. Mais il n’a émis ses doutes que plusieurs décennies après la clôture du procès. Le procès de Tokyo, qui s’est tenu d’avril 1946 à décembre 1948, a subi des critiques pendant les assises mêmes par l’un des juges qui y siégeaient. Le tribunal était constitué d’un représentant de chaque pays qui avait été en guerre avec le Japon, soit le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie (dont le Président William Webb), la Chine, l’URSS, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les Philippines et l’Inde.

Dès le début du procès, le juge indien Pal, alors âgé de soixante ans, s’est fait remarqué en s’inclinant chaque matin poliment devant les accusés japonais. Le jour où l’on a lu le jugement, il fut l’un des cinq juges à faire connaître une opinion contradictoire. Le juge philippin Delfin Jaranilla, un survivant de la marche de la mort de Bataan, estimait que les peines n’étaient pas assez sévères (un certain nombre d’officiers échappèrent à la peine de mort et furent libérés en 1958). Le Président Webb et le juge français Henri Bernard protestèrent contre la décision américaine de ne pas poursuivre l’Empereur Hiro-Hito, alors que le chef de l’Etat allemand, l’Amiral Karl Dönitz, avait été condamné à Nuremberg. Le juge néerlandais Bernard Röling, pour sa part, estimait que plusieurs questions fort complexes, comme, par exemple, savoir à quel moment exact, la paix avait été rompue et la guerre avait commencé, n’avaient pas été définies correctement sur le plan juridique.

Le rapport, minoritaire, rédigé par le juge indien Pal, compte 1235 pages et contient des critiques bien plus fondamentales. Sa publication a été interdite pendant sept ans par les forces d’occupation américaines. Sur le plan du contenu, ce rapport est composé des deux parties, chacune reposant sur une batterie d’arguments spécifiques: l’une portait sur les faits, l’autre sur la légalité du procès.

Dans son récit factuel des événements de la guerre, Pal sort plusieurs fois des sentiers battus en cherchant parfois très loin des arguments pour “blanchir” les Japonais. Il reconnaît par exemple que des crimes de guerre ont été commis, notamment quand l’armée impériale japonaise a violé Nankin (au propre comme au figuré), mais met en doute la culpabilité des chefs militaires car, ultérieurement, ceux-ci ont toujours pris des mesures pour éviter une telle indiscipline de leurs troupes et de tels débordements. Tout comme les autres juges, il traite surtout des mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre, qu’il minimalise trop en arguant de la nature et de la responsabilité “impérialistes” de leurs pays respectifs. En énonçant ces arguments, Pal oubliait que le Japon n’avait pas seulement maltraité des soldats britanniques ou américains capturés mais aussi et surtout la population civile d’un pays non impérialiste, la Chine. Quant à la catégorie la plus misérable et la plus pitoyable des prisonniers, comme les milliers d’esclaves sexuelles ou “fille de consolation”, pour la plupart coréennes mais aussi néerlandaises, il ne dit mot, pas plus d’ailleurs que le jugement officiel.

Les soi-disant “crimes contre la paix”, commis par le Japon, Pal les rejette d’un revers de la main. L’attaque contre Pearl Harbour est, pour lui, le résultat de provocations américaines avérées, comme l’embargo sur le pétrole, que les Etats-Unis justifiaient comme une mesure de rétorsion contre l’invasion japonaise de la Chine mais qui, en réalité, visait tout simplement à étrangler un concurrent économique. Pal justifie l’agression japonaise contre la Chine comme une démarche nécessaire, vu la pénétration soviétique dans le pays. Pal n’était certainement pas hostile au communisme, car il fera carrière plus tard dans le “Bloc des Gauches” au Bengale, mais, dans son argumentation, il percevait l’URSS comme la puissance qui avait succédé à l’Empire des Tsars, battu par le Japon en 1905; pour Pal, l’URSS, comme la Russie de Nicolas II, était une “puissance blanche”. Son explication était finalement peu convaincante: si le Japon avait voulu combattre la Russie ou le communisme, il se serait rangé du côté des Allemands en juin 1941, quand l’invasion de l’URSS a commencé, un projet qui aurait rapporté certainement plus de fruits que l’attaque contre les Etats-Unis en décembre 1941.

Le deuxième volet de son argumentation est nettement plus solide: ce procès de Tokyo était une farce; concrètement, parce que toute une série de normes juridiques ont été purement et simplement ignorées ou foulées aux pieds, principalement parce qu’il s’agissait d’une “jurisprudence de vainqueurs”.

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Le monument en l'honneur du Juge Pal à Yasukuni au Japon

Les droits de la défense ont été bafoués; les avocats des prévenus n’avaient qu’un accès limité aux dossiers (même s’ils étaient mieux lotis que leurs collègues allemands à Nuremberg, car chaque accusé bénéficiait d’un avocat japonais et d’un avocat américain).

Les accusés et les témoins qui ne comprenaient pas l’anglais devaient signer des déclarations, des aveux ou des témoignages rédigés dans la langue de Shakespeare et qui allaient être utilisés à charge de codétenus après avoir été arrachés sous la torture ou suite à de fausses promesses. Ensuite, il y avait surtout ceci: on poursuivait des hommes sur base de lois rétroactives. Face à n’importe quel tribunal américain, de telles fautes de procédure seraient suffisantes pour acquitter immédiatement l’accusé et l’affranchir de toute poursuite.

Pal plaidait en effet l’acquittement de tous les accusés.

Finalement, ce procès relevait d’une justice fabriquée par les vainqueurs car les normes étaient différentes selon que l’on était vainqueur ou vaincu. Les armées alliées fonctionnaient comme celles de l’Axe et du Japon selon le principe “les ordres sont les ordres” (Befehl ist Befehl) mais leurs officiers n’ont jamais été jugés pour des actes commis suite à des injonctions données par des instances supérieures. Le Japon n’était pas représenté parmi les juges et les crimes de guerre alliés n’ont jamais été jugés. Le juge Pal fut le seul à avoir évoqué le lancement des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Même si leur lancement a contribué à sauver indirectement de nombreuses vies humaines, comme on l’affirme très souvent, il correspond bel et bien à la définition de “crime de guerre”, notamment parce qu’il visait en toute conscience des objectifs civils. Depuis la “Paix de Westphalie” (1648), on a beaucoup travaillé en Europe à humaniser la guerre, pour remplacer le droit du plus fort par un véritable système de droit international, notamment via les conventions de Genève et de La Haye et l’oeuvre neutre de la Croix-Rouge. Les procès de Nuremberg et de Tokyo ne sont nullement une étape complémentaire dans ce processus d’humanisation de la guerre mais constitue clairement une rupture dans cette évolution positive. Selon Radhabinod Pal, ces procès constituent un façade cynique et pseudo-juridique derrière laquelle les vainqueurs imposent butalement leur volonté et se dotent d’une jurisprudence spéciale pour masquer leurs propres exactions.

MOESTASJRIK.

(article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, 2 novembre 2005; trad. franç., avril 2012).

mercredi, 09 mai 2012

La Hongrie de Horthy: une monarchie sans roi

 

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Erich KÖRNER-LAKATOS:

La Hongrie de Horthy: une monarchie sans roi

Miklos Horthy ou un militaire de petite noblesse qui rêvait d’occuper le trône de Saint-Etienne

NAZIPORT0326.jpg“Il est vrai que je n’ai jamais pensé à une dynastie Horthy et je ne peux que déplorer le fait que certains cercles, en Hongrie, affirment qu’une telle pensée aurait pu exister”. Telles sont les paroles qu’a couchées sur le papier le régent du royaume Miklos Horthy dans ses mémoires, où il exprime son point de vue sur l’éventuelle fondation d’une dynastie. Les faits sont pourtant différents. Très tôt, le régent a cultivé l’idée d’assurer dans le futur le pouvoir aux siens, et surtout à son fils Istvan qu’il adulait. Son épouse Magdolna, très ambitieuse, et la camarilla qui l’entourait confortaient le régent dans ses intentions.

Le 1 mars 1920, l’assemblée nationale de Budapest élit l’ancien amiral comme chef d’Etat provisoire. Avant même de prononcer son serment de régent du royaume, il réclame un élargissement de ses prérogatives, ce que le parlement lui accordera pas à pas.

Dès le 19 août 1920, le régent du royaume obtient les droits d’accorder l’amnistie et d’engager la Honved (l’armée) en dehors des frontières en cas de crise. Six ans plus tard, le Parlement, autrement dit la Diète constituée de deux chambres, accorde au Chef de l’Etat provisoire une autre prérogative régalienne: le droit de nommer une partie des membres de la Haute Assemblée. A partir de 1933, Horthy peut ajourner la Diète de l’assemblée populaire “aux calendes grecques”. Quatre ans plus tard, la Diète renonce à son droit de demander des comptes au régent au cas où il enfreindrait les règles constitutionnelles. La personne Horthy est désormais “sacrée et inviolable”.

De cette façon, la Hongrie s’était dotée d’une sorte de “roi de remplacement”, auquel, pourtant, on n’avait pas accordé trois prérogatives: Horthy ne disposait pas du “droit de patronage” sur l’Eglise romaine du pays, ne disposait pas du droit d’annoblir des sujets hongrois et son office n’était pas héréditaire.

Le droit de patronage sur l’Eglise ne semblait pas intéresser le calviniste qu’était Horthy, même si le droit de parole qu’il impliquait en cas de changement de personnel, notamment quand il s’agissait d’accorder des sièges d’évêchés, pouvait procurer un pouvoir appréciable. Ce représentant de la “gentry” hongroise semble avoir été davantage géné par l’interdiction d’annoblir ou d’octroyer des titres plus importants aux nobles qu’il estimait méritants. Le terme “gentry”, que j’utilise ici à dessein, est repris de l’anglais et désigne, au 19ème siècle, la petite noblesse de Hongrie, laquelle, bien qu’appauvrie, tient à conserver son style de vie et considère toute participation triviale à la vie économique comme indigne de son rang.

Pour cette raison, Horthy crée l’Ordre des Héros (“Vitézi Rend”). Ne peuvent en devenir membres que les anciens combattants décorés qui sont réputés farouches patriotes. Cette nouvelle “noblesse” de remplacement se réparti en trois niveaux: les officiers, les soldats et les postulants. Ces derniers ne sont donc pas des membres à part entière de l’Ordre mais détiennent en quelque sorte un statut d’ “aspirant”. Dans le cadre d’une cérémonie d’allure médiévale, dont la première se déroulera le 22 mai 1921 dans la citadelle royale, le Maître de l’Ordre, Horthy lui-même, confère la dignité de “héros” à ceux qu’il adoube “Chevalier” en leur posant l’épée sur l’épaule. Au début de l’année 1943, il y a déjà 4342 Héros du rang d’officier, 11.189 Héros du rang de soldat et environ 8000 aspirants.

L’appartenance implique plusieurs prérogatives. Le Héros peut, par exemple, faire précéder son patronyme du terme de “Vitéz” (“Héros”). Ensuite, il se voit accorder un patrimoine immobilier héréditaire inaliénable et indivisible, qui ne sera transmis qu’à son seul fils aîné. Les officiers de l’Ordre peuvent donc bénéficier de fermes-châteaux avec terres adjacentes d’une dimension de près de 50 “jougs cadastraux” (le “joug cadastral” hongrois équivalait à 0,5754 ha, soit 5754 m2). Les Soldats de l’Ordre devaient se contenter de dix à quinze “jougs cadastraux”.

Les Héros ne sont toutefois pas considérés comme “pairs” par les anciens aristocrates. La taille des biens immobiliers et des terres accordées ne peut que faire sourire avec condescendance les barons et comtes installés depuis toujours, pour ne pas parler des 200 familles de “magnats” comme les Esterhazy, les Schönborn ou les Cobourg-Gotha, dont les terres sont immenses.

Les idées qui hantent le vieux régent du royaume concernent surtout la question de l’hérédité de sa charge. A la fin de l’automne 1941, le Cardinal Justinian Serédi, archevêque de Gran (Esztergom) et donc primat-prince de Hongrie, remarque suite à une conversation avec Horthy: “J’ai appris des paroles mêmes du Régent du Royaume qu’il souhaiterait, pour sa fonction (celle du “représentant”, du “stathouder” avec droit de transmission héréditaire), que celle-ci soit transmissible à son propre fils Istvan; car il m’a dit, et pas seulement comme s’il évoquait une image ou un exemple, que celui qui possède une maison aime toujours qu’après sa mort celle-ci aille à ses enfants; il a même ajouté qu’il aimerait transmettre sa fonction de régent du Royaume à son fils”.

Miklos Horthy s’est aussi adressé par lettre à son premier ministre Laszlo Bardossy qu’il considérait comme bon que le parlement élise bientôt un “stathouder”, “cum iure successionis” (avec droit de succession).

Le 9 février, le premier ministre dépose un projet de loi. A cause de la résistance de la haute noblesse et de l’église, la clause de succession a été omise dans le texte. Les deux chambres acceptent à l’unanimité le projet de loi et, le 19 février, la Diète élit, sans aucune surprise, Istvan Horthy comme “réprésentant du régent”. L’élection est suivie d’applaudissements généralisés et de cris “Eljen”, “Qu’il vive!”.

Le porteur potentiel de la plus haute fonction de l’Etat doit, selon son père, faire ses preuves au front. Istvan Horthy est un pilote chevronné: il s’engage dans les forces aériennes. Il meurt, victime d’un accident, dans les premières heures du matin du 20 août 1942, sur le terrain d’aviation de la 2ème Armée hongroise à Alexeïevka.

Mais la famille n’abandonne pas le projet caressé par le régent Miklos Horthy. Dans les vitrines des magasins de Budapest, on pouvait voir des photos de la veuve d’Istvan Horthy avec son fils, Istvan junior, à peine âgé de deux ans, flanquées du texte “Mindent a hazaért!”, “Tout pour la patrie!”. Le jeune enfant est au centre des discussions dynastiques. Il faudrait, disent ses partisans, qu’il se convertissent à la foi catholique pour qu’il soit ensuite couronné roi ou prince de Hongrie.

Dans l’ébauche d’une loi sur la pérennisation du souvenir du vice-régent Istvan Horthy, nous trouvons le passage suivant: “Après les familles des Arpad, des Anjou et des Hunyadi, le destin nous a envoyé la famille Horthy...”, ce qui suscite de nouvelles polémiques. Après que le Prince-Primat Serédi ait déclaré au régent du royaume qu’il prendrait position contre ce projet de loi à la Chambre Haute de la Diète et que, par-dessus le marché, il appelerait l’opinion publique à exiger le couronnement d’Otto de Habsbourg, Miklos Horthy abandonne définitivement ses ambitions dynastiques en octobre 1942.

Exactement deux ans plus tard, le vieux régent perd sa fonction. Sous la contrainte, car les Allemands maintiennent en détention son fils cadet Miklos, Horthy signe le soir du 15 octobre 1944, une déclaration de démission rédigée en allemand: “Aux présidents des deux Chambres, par la présente, je déclare avoir pris la décision, en cette heure fatidique de l’histoire hongroise, et dans l’intérêt d’une belligérance optimale, de l’unité intérieure et de la cohésion de la nation hongroise, de me retirer de mon poste de régent du royaume. J’ai chargé Monsieur Ferenc Szalasi de former un nouveau gouvernement d’unité nationale”.

Le 4 novembre 1944 a lieu la cérémonie de la prestation de serment dans la salle de marbre blanc de la citadelle de Buda. Les membres des deux Chambres de la Diète, présents à Budapest, et parmi eux l’ancien régent du royaume, l’archiduc Joseph de Habsbourg, assistent à la cérémonie en tenue d’apparat. Les gardes du corps de Horthy défilent. Alors Ferenc Szalasi prête serment, dans un costume civil usé, avec une chemise verte et une cravate de même couleur, le chapeau à la main, devant la couronne de Saint Etienne. En dehors de la citadelle, l’ambiance est toute différente: dans le lointain, on entend distinctement tonner les canons soviétiques.

Erich KÖRNER-LAKATOS.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°40/2005; trad. franç.: avril 2012; http://www.zurzeit.at/ ).

 

Keine US-Atombomben im Juli/August 1945!

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Keine US-Atombomben im Juli/August 1945! 

220 Seiten - Leinen - 110 Abbildungen

ISBN 978-3-87847-268-1

Kurztext:

Dieses Buch enthüllt ein seit Kriegsende von den Siegermächten streng gehütetes Geheimnis des deutschen Untergangs 1945.Die sofortige Geheimhaltung der bei Kriegsende in Mitteldeutschland erbeuteten nuklearen Hochtechnologie wurde mit der lapidaren Behauptung »die US-Army hat nichts gefunden« verbunden. Die Untersuchung des historischen Sachverhaltes bestätigt jetzt eine von den USA inszenierte und seit 1945 gepflegte Falschdarstellung der Atombomben-Entwicklungsgeschichte. Die Reichsregierung hatte sich felsenfest auf den von der Wissenschaft zugesicherten Besitz der Atombombe verlassen. So wurde  die Entwicklung der ›Siegeswaffe‹ gegenüber der eigenen Bevölkerung bis zum Kriegsende streng geheimgehalten. Als der Zusammenbruch kam, bevor die Atombomben eingesetzt wurden, brauchte  die Geheimhaltung der deutschen Atombombe von den USA lediglich fortgeführt zu werden.

Das Buch räumt mit bisherigen Ansichten zur Frühzeit der Atombomben auf und zeigt, wie das offizielle Amerika die Zeitgeschichte in einem wichtigen Bereich fälschte.  

Klappentext:

Für Jahrzehnte stand es nach dem Zweiten Weltkrieg fest, daß die USA die bei den auf Hiroshima und Nagasaki abgeworfenen Atombomben in Oak Ridge bauten und damit den Deutschen, die auch an der Entwicklung dieser Waffe arbeiteten, zuvorkamen. Die deutschen Physiker seien an dem Problem der Anreicherung von Uran 238 gescheitert und hätten bis Kriegsende keine fertigen Atombomben zusammengebracht. Doch in jüngster Zeit melden sich Zweifel an dieser Ansicht.

Mehrere Autoren haben in der jüngeren Vergangenheit aus gewissen Hinweisen und Berichten von Zeitzeugen auf die Existenz der deutschen Atombombe geschlossen. Manche Indizien sind ohne diese Annahme schwer zu erklären. Aber handfeste Beweise lagen kaum vor. Solche will Peter Brüchmann vorlegen. Er hat die offiziellen Verlautbarungen der Alliierten gesammelt, die Widersprüche in ihnen aufgedeckt und die Tatsachen aus der westlichen Presse zusammengetragen. Sie vermitteln nach seiner Ansicht ein falsches Bild von der damaligen Wirklichkeit um die Atombomben und versuchen, gezielt eine Legende zum Ruhme der USA zu verbreiten. 

Das Buch räumt außerdem mit einer Reihe Legenden auf. So hatte es sich bei den drei Bomben um keine Plutonium-Anordnung gehandelt. Die Bomben sind an Fallschirmen, was sonst immer verschwiegen wird, in die richtige Entzündungshöhe über den japanischen Städten gebracht worden. 

Der Autor hat als Sohn eines Wehrmachtbeamten bereits während des Zweiten Weltkrieges Kenntnisse über den technischen Entwicklungsstand der deutschen Atombombe erhalten. Der Vater Wilhelm Brüchmann hatte als KVOI (Kriegsverwaltungs-Oberinspektor, später Amtmann) den Rang eines Hauptmanns und die Aufgabe, die Kosten innerhalb der Standorte von Geheimwaffen-Hochsicherheitsanlagen zu kontrollieren und finanzbehördlich zu bearbeiten. Seine sensationellen Kenntnisse über die technischen Unzulänglichkeiten der im Prinzip abwurfbereiten deutschen Atombomben konnten vom Autor aufgearbeitet und voll bestätigt werden.
 
Dieser konnte für seine Forschungen seine ingenieurtechnischen Kenntnisse mit seinen privaten Verbindungen in die USA kombinieren. Erst kürzlich nutzte er seine Kontakte, um weitere Hinweise auf die Erbeutung der deutschen Atombomben im April 1945 durch US-Spezialkommandos aufzuspüren. Überraschend ergab sich dabei, daß die Amerikaner die gesamte erbeutete deutsche Hochtechnologie samt mindestens drei fertigen Atombomben gegenüber der Welt als ihre eigene, exklusive Entwicklungsarbeit ›verkauft‹ haben. Tatsächlich begann die Geschichte der Atombombe in Amerika erst mit dem Funktionstest einer der deutschen Beutebomben am 16. Juli 1945. Nachdem den Amerikanern die erfolgreiche Explosion gelang, haben sie die beiden anderen Bomben auf Japan abgeworfen.

Über den Autor:

Peter Brüchmann, geboren 1931. Luftfahrt-Pensionär. Knapp 40 Jahre aktive Tätigkeit als Versuchsingenieur in der militärischen und zivilen Luftfahrtindustrie sowie als Technischer Lehrer (Fachbereichsleiter) bei einem der weltgrößten Luftverkehrs-Unternehmen. Der Autor veröffentlichte zahlreiche Beiträge zu deutschen und ausländischen Fachmagazinen und schrieb Fachbeiträge (luftfahrttechnische Forschungsaufträge für das Bundesverkehrsministerium und das Luftfahrt-Bundesamt (LBA). Er ist Mitautor im Studienbuch Technologie des Flugzeuges seit dessen Erstauflage (letzte Revision 2007), ISBN 3-88064-159-5. Er hat im Selbstverlag ( BoD) zwei weitere Sachbücher mit Fragen zur Erdgeschichte herausgegeben: Warum die Dinosaurier starben ISBN 13 978-3-8311-4213-2, (2004) sowie Mars und Erde, Katastrophenplaneten, ISBN 13-978-3-8334-4053-3, (2007). Beide Bücher werden seit einigen Jahren auf den internationalen Buchmessen in Leipzig und in Frankfurt am Main präsentiert. Für das wissenschaftliche Magazin Synesis (EFODON) schrieb er seit 2000 bisher weitere zehn Abhandlungen zu ungelösten geotechnischen Problemen der Erdgeschichte.

mardi, 24 avril 2012

Je Suis Partout - Anthologie (1932-1944)

Vient de paraître : Je Suis Partout - Anthologie (1932-1944)

 
Ex: http://lepetitcelinien.com/

La dernière production des éditions Auda Isarn s'intéresse à Je Suis Partout en proposant une anthologie de cet hebdomadaire paru entre 1932 et 1944.
 
Comme le rappelle Philippe d'Hugues, auteur de la préface de cet ouvrage de près de 700 pages, le journal fasciste, antisémite et antidémocratique a réussi à connaître un large succès, le tirage s'élevant à "70 000 exemplaires à la veille de la guerre, plus de 300 000 à la veille de la Libération, avec un pic à 350 000 au printemps 1944." Succès qui s'explique en partie par les rubriques littéraires et cinématographiques : "Il faut dire qu'il y avait matière à satisfaire les plus exigeants : romans et nouvelles de Marcel Aymé, André Fraigneau, La Varende, René Barjavel, Pierre Véry, Jacques Decrest, Pirandello, Moravia, Malaparte, Jean de Baroncelli, Albert Paraz, Gaston Derycke (futur Claude Elsen), pièces de Jean Anouilh ou de Drieu La Rochelle, chroniques d'Emile Villermoz, André Thérive, Michel Mohrt, François Charles Bauer (futur François Chalais), reportages de Lucien Rebatet [...] et n'oublions pas une attraction de poids : la chronique cinématographique de François Vinneuil alias Rebatet."

De Louis-Ferdinand Céline, il y est question à plusieurs reprises dans ces archives : de la simple citation dans l'article de Ralph Soupault du 21 janvier 1944, à la publication d'un extrait d'une lettre de Céline adressée au journal et publiée le 9 juillet 1943 pour accuser la bourgeoisie française du désastre de 1940, c'est Lucien Rebatet qui laisse le plus de place au Céline pamphlétaire : d'abord en 1938 où il évoque les différentes réactions d'hostilité à la publication de Bagatelles pour un massacre, puis en 1939 dans un article intitulé "L'antisémitisme d'aujourd'hui et de demain", dans lequel il se flatte du grand succès de librairie de Bagatelles ; Enfin, dans un long article de mars 1944, le "prodigieux Céline" à la "verve géniale de visionnaire" est mis en avant dans un passage sur la recension des talents français. Toujours attachés aux écrits politiques de Céline,  Pierre Drieu La Rochelle, Pierre-Antoine Cousteau prennent la défense de Céline dans deux articles de 1938 et 1943. Une compilation qui intéressera les lecteurs souhaitant faire une plongée, du côté des vaincus, dans cette période mouvementée et trouble...

M.G.
Le Petit Célinien, 15 avril 2012.
 
Je Suis Partout, Anthologie 1932-1944, Editions Auda Isarn, 2012. ISBN 978-2-917295-35-9.
Commande auprès de l'éditeur (30 €, port gratuit) : Auda Isarn, BP 90825, 31008 Toulouse cedex 6. Chèque à l'ordre d'Auda Isarn.

mercredi, 11 avril 2012

Journée d'étude "Autour de Raymond De Becker"

Journée d'étude "Autour de Raymond De Becker"

Note de SYNERGIES EUROPEENNES: Enfin! Quelques instances officielles enBelgique rendent hommage à Raymond De Becker, peut-être grâce à la fidélité inébranlable que lui témoigne le doyen des lettres francophones du royaume, Henry Bauchau. Ce colloque, dont le programme complet figure en pdf en queue de présentation, fait véritablement le tourde laquestion. Puisse ce colloque être l'amorce d'une renaissance spirituelle et d'une nouvelle irruption d'éthique dans un royaume voué depuis près de six décennies à la veulerie.


La journée d'étude "Autour de Raymond De Becker" a eu lieu les 5 et 6 avril 2012 aux Facultés universitaires Saint Louis.
Raymond de Becker

Étrangement, la figure de Raymond De Becker (Schaerbeek, 30 janvier 1912 – Versailles, 1969), souvent évoquée dans les travaux des historiens, n’a encore fait l’objet d’aucun travail biographique. « Quant à Raymond De Becker », écrivait fort opportunément un « ami » d’André Gide, son histoire reste à écrire, car il semble que son passage du christianisme prophétique au fascisme virulent ait fait de lui un personnage non seulement sulfureux mais tabou » .


Après des études secondaires inachevées à l’Institut Sainte-Marie à Bruxelles, Raymond De Becker trouve à s’employer au sein d’une entreprise d’import-export américaine. Il quitte ce poste après un an pour entrer au secrétariat de l’ACJB à Louvain en tant que secrétaire général de la JIC (Jeunesse indépendante catholique – cercle de jeunesse des classes moyennes) qu’il a créée en mars 1928 avec sept autres jeunes industriels et commerçants. Il entre en contact avec des étudiants de Saint-Louis via Conrad van der Bruggen à l’été 1931 et participe à la fondation de l’Esprit nouveau et des Équipes Universitaires. Il interrompt ses activités fin décembre 1932 après le Congrès de la Centrale Politique de Jeunesse pour entreprendre une retraite mystique en France à Tamié où il a déjà effectué une reconnaisse au mois de septembre précédent de retour d’un voyage à Rome. Il met au point les premiers statuts du mouvement Communauté et revient en Belgique en novembre 1933 après un passage à Paris où il a rencontré André Gide. Ayant fait la connaissance d’Emmanuel Mounier à Bruxelles début 1934, il contribue à la pénétration des groupes Esprit en Belgique. De 1936 à 1938, il est associé au comité de rédaction de La Cité chrétienne puis passe à L’Indépendance belge d’où il est renvoyé en 1939. Il participe alors à la fondation du périodique neutraliste L’Ouest dirigé par Jean de Villers. Durant l’Occupation, il deviendra directeur éditorial des Éditions de la Toison d’Or et rédacteur en chef du « Soir volé ». Il rompra cependant avec la Collaboration en septembre 1943, justifiant sa rupture par l’incertitude manifestée par Léon Degrelle et les rexistes de s’attacher à défendre une structure étatique propre en Belgique. Il sera alors placé en résidence surveillée, d’abord près de Genappe puis à l’hôtel d’Ifen à Hirschegg dans les Alpes bavaroises en Autriche où il côtoie notamment André François-Poncet. Raymond De Becker sera condamné à mort le 24 juillet 1946 par le Conseil de guerre de Bruxelles. Il lui est alors essentiellement reproché d’avoir valorisé la Légion « Wallonie » et d’avoir soutenu en mars 1942 la mise en place du Service du Travail Obligatoire. Il sera cependant libéré en février 1951 mais contraint à l’exil. Il se réfugie en France où il poursuit une activité de publiciste principalement tournée vers la psychanalyse.

Ce colloque ambitionne donc d’aborder sans tabous cette figure capable de se mêler à tout ce qui compte dans les cénacles intellectuels belges et européens de l’entre-deux-guerres. A travers quatre sessions, qui rassembleront des universitaires belges et étrangers, il s’agira de revenir non seulement sur le parcours et les engagements du jeune publiciste dans les années 30 et 40, mais aussi de tenter de mesurer l’influence qu’il a pu exercer sur les nouvelles relèves belges et européennes. Cette démarche, essentielle, est compliquée par le fait que s’étant fourvoyé au nom de l’idée d’Europe unie dans la collaboration avec les nazis, le publiciste est devenu, dans la foulée de l’épuration, un « ami encombrant ».


En ce sens, les contributions devraient aussi permettre d’appréhender l’angle-mort qui apparaît immanquablement dans le parcours de nombreux personnages-clés de l’histoire intellectuelle, politique et artistique (Spaak, mais aussi Hergé, Paul De Man, Bauchau) avant et après la Deuxième Guerre mondiale.


A cet égard, il est encore à espérer que cette rencontre permettra aussi de retrouver la piste de papiers et d’archives « oubliées » ou en déshérence de/sur Raymond De Becker…


Les différentes interventions feront l’objet d’une publication à laquelle sera adjointe la correspondance conservée entre Raymond De Becker et Jacques Maritain conservée au Centre Maritain de Kolbsheim.


Programme du colloque

jeudi, 29 mars 2012

Affamer les vaincus

Dag KRIENEN:

Affamer les vaincus: le sort des prisonniers de guerre allemands de l’US Army après le 8 mai 1945

 

Dix pourcents seulement des 3,8 millions de soldats allemands pris prisonniers par les Américains pendant la seconde guerre mondiale ont été embarqués sur des navires à destination des Etats-Unis, où ils ont été plus ou moins traités jusqu’en mai 1945 selon les règles régies par le droit des gens. 3,4 millions de prisonniers issus des rangs de la Wehrmacht ont toutefois subi d’autres formes de détention.

 

Dès la fin de l’été 1944, après le débarquement en Normandie, que les Allemands appellent l’ “invasion”, les autorités militaires américaines créent des “camps de transit” (“Durchgangslager”) partout en Europe occidentale, où les prisonniers de guerre sont “internés provisoirement” et triés, où seuls ceux auxquels on ne pouvait imposer un travail étaient transportés en direction des Etats-Unis. Il y régnait des conditions misérables. Les prisonniers recevaient un minimum de soins et devaient généralement dormir à même le sol. Leur sort s’améliorait considérablement toutefois dès qu’on les embrigadait dans les “US-Labour Service Units” (= “les Unités du Service américain du travail”), qui devaient prester toutes sortes de services dans les bases arrière de l’armée américaine.

 

Pour ceux qui seront pris prisonniers et détenus ultérieurement sur le sol allemand, la même règle générale était de rigueur: seuls ceux qui acceptaient de travailler pour les Américains recevaient des soins corrects et étaient hébergés dans de bonnes conditions. Mais peu de détenus, sur les trois millions qui végétaient dans ces camps de “prisonniers de la capitulation”, ont pu “bénéficier” de ce privilège. Ils s’étaient rendus au cours des dernières phases de la guerre, en faisant confiance à la propagande américaine qui leur promettait un traitement conforme à la convention de Genève, ou ils avaient été ramassés et rassemblés par des unités américaines dès que les hostilités avaient cessé.

 

Pratiquement aucun de ces hommes n’a reçu un traitement correct. Les Américains ont délibérément enfreint les règles du droit des gens: ils justifient aujourd’hui leurs actes en arguant que les denrées alimentaires manquaient partout en Europe en 1945. Dans les états-majors américains, où étaient prises les directives principales quant au traitement des prisonniers de guerre, le manque de vivres n’a pas vraiment joué de rôle déterminant, au contraire de l’intention bien prononcée de punir de manière drastique l’ensemble des soldats allemands captifs.

 

L’essayiste allemand contemporainThorsten Hinz, dans son ouvrage récent consacré à la “psychologie de la défaite”, a démontré que les Allemands se sont tous retrouvés en 1945 dans un immense et unique “camp de rééducation”, étendu à tout le territoire de l’ancien Reich. Ce fut le premier pas sur le chemin de la “rééducation démocratique”: il consistait à montrer aux Allemands qu’ils étaient entièrement sous la coupe du bon vouloir de leurs vainqueurs, de façon à briser définitivement toute volonté d’affirmation nationale et collective. La directive JCS-1067 des autorités d’occupation américaines visait à imposer une grande et rude leçon générale d’humilité, en imposant “famine et froid” à tous ceux qui étaient tombés en leur pouvoir. Le futur gouverneur militaire américain en Allemagne, Lucius D. Clay, a certes bien dit et écrit que cette politique de “famine et de froid”, à propos de laquelle le consensus régnait dans les cercles gouvernementaux américains en 1945, ne devait pas conduire à la mort par famine et par froid de la masse du peuple allemand. Mais de cette déclaration de Clay, il ressort toutefois bel et bien que la distribution de vivres, certes devenus rares, aux prisonniers de guerre allemands étaient la dernière des priorités pour les Américains.

 

Pour le sort des prisonniers pris au moment de la capitulation, cette insouciance a eu des conséquences fatales. Dans ce contexte, cela n’a plus guère d’importance de rappeler que le commandant-en-chef des forces américaines en Europe, le Général Eisenhower, ait donné l’ordre le 4 mai 1945 de traiter tous les nouveaux prisonniers de guerre allemands comme des “Disarmed Enemy Forces” (DEF), de façon à ce qu’ils ne tombent plus sous la protection de la convention de Genève. Par ce tour de passe-passe, les Américains se débarrassaient de l’obligation de loger, d’alimenter et de soigner médicalement ces DEF et la confiaient aux Allemands. Toutefois, indépendamment de leur statut, tous les prisonniers rassemblés ont été, dans un premier temps, concentrés dans des “camps de transit” improvisés: on se souviendra surtout des abominables “Rheinwiesenlager” (= des “camps-prairies” de Rhénanie). On a maintes fois décrit les conditions affreuses qui régnaient dans ces “camps-prairies”: nous n’en donnerons qu’un bref résumé dans le présent article. Concentrer ainsi des centaines de milliers d’hommes, après les avoir “filtrés” et dépouillé de toutes leurs affaires personnelles, et puis les laisser à eux-mêmes, enfermés dans des camps gigantesques pendant des semaines, où se bousculaient parfois près de 100.000 captifs, répartis dans des “cages” séparées de 5000 à 15.000 soldats, sans qu’il n’existe la moindre infrastructure; vivre les uns sur les autres sans un toit au-dessus de la tête, à même le sol d’un champ, sans installations hygiéniques ou seulement avec des installations improvisées, sans soins médicaux, sans nourriture ou avec seulement une nourriture insuffisante pendant les premiers jours, avec les mauvais traitements infligés par les gardiens et par les plus corrompus des prisonniers hissés au rang de “police du camp” sont autant de manquements qui ont conduit à des souffrances indicibles et à la mort d’innombrables prisonniers.

 

On ne peut par dire a posteriori que toutes ces souffrances ont été planifiées volontairement dans tous leurs détails mais la terrible expérience subie par ces millions d’hommes, où le prisonnier perd toute dignité et tout sens de la solidarité à cause de la faim et de la misère, fut bel et bien le lot de tous les porteurs d’uniforme allemands pris par les Américains en 1945. La lutte constante pour recevoir une nourriture chiche dans les “cages”, a poussé jusqu’à l’absurde les vieux idéaux de la discipline militaire et de la camaraderie entre soldats. Tout cela cadre bien avec la première “thérapie de choc”, qui allait être suivie par la politique plus vaste de “rééducation”.

 

Après avoir infligé aux prisonniers de guerre allemands cette épouvantable leçon, les Etats-Unis n’avaient aucun intérêt à les retenir captifs indéfiniment. Après que les Américains aient sélectionné quelque 300.000 hommes pour leurs “Labour Service Units”, ils ont commencé à libérer les autres. A partir de juin 1945, ils ont libéré les plus vieux et les plus jeunes (surtout les très jeunes) puis ceux qui avaient un métier important pour l’économie du ravitaillement; à partir d’août, ce fut le tour de la grande masse des prisonniers. Les Allemands concentrés pêle-mêle dans ces “camps de transit” sans être correctement enregistrés, devaient êtretriés et répartis éventuellement dans d’autres lieux de détention; pour ces malchanceux, la captivité a duré encore plus longtemps.

 

D’autres encore subirent des épreuves complémentaires: ils ont été accusés de crimes de guerre ou retenus comme témoins de tels crimes, et donc leur détention a été prolongée; enfin, une masse importante a été transférée dans les pays alliés pour y forunir une main-d’oeuvre forcée. Au début de l’année 1946, il y avait encore en Europe un million de prisonniers de guerre allemands détenus officiellement par les Américains (dont une bonne partie en France et en Italie). Au début de l’année 1947, il n’y en avait plus que 40.000.

 

Les conditions de vie de ces prisonniers, dans les camps gérés par l’armée américaine sur le sol allemand, étaient contraires au droit des gens, dans la mesure où les délégués de la Croix Rouge internationale avaient reçu expressément l’interdiction de les visiter. Ces conditions se sont améliorées à partir de juillet 1945. Les “camps de transit” ont été démantelés les uns après les autres ou transformés en camps de prisonniers plus ou moins normaux. Dans les camps résiduaires, l’hygiène s’est progressivement améliorée, de même que les soins médicaux et le logement. L’alimentation des prisonniers étaient encore mesurée chichement mais devenait plus régulière. Comparé au sort de leurs homologues retenus prisonniers aux Etats-Unis, celui des prisonniers allemands en Europe restait misérable à la fin de l’année 1945 mais moins mortel, potentiellement, qu’au début de l’été.

 

En mai et en juin 1945, les “camps-prairies” de Rhénanie et les autres camps de prisonniers organisés par l’armée américaine en Allemagne, avec une nourriture totalement insuffisante, des conditions d’hygiène déplorables, l’obligation de dormir à la belle étoile ou dans des trous de terre creusés par les prisonniers eux-mêmes, l’exposition aux pluies incessantes et à la boue qui en résultait, ont entraîné la mort d’innombrables malheureux. L’adjectif “innombrable” est bien celui qui sied ici car nous ne possédons toujours pas de chiffre fiable quant aux nombre de décès qu’a entraînés l’administration pleinement consciente de cette “leçon de famine et de froid”. Cela explique le choc qu’a provoqué la parution en 1989 du livre du journaliste canadien James Bacque, consacré aux prisonniers de guerre allemands dans les camps américains et français en 1945 et 1946; Bacque avance le chiffre d’un million de morts dans les camps américains.

 

Dag KRIENEN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°49/2010; trad. franç.: mars 2012; http://www.jungefreiheit.de/ ).

mercredi, 28 mars 2012

Gérard Romsée: mythe et réalité

Edwin TRUYENS:

Gérard Romsée: mythe et réalité

 

Recension: Evrard RASKIN, Gerard Romsée. Een ongewone man, en ongewoon leven, Hadewijch, Antwerpen-Baarn, 1995, 449 pages.

 

Gérard Romsée est né à Guigoven, dans la province du Limbourg, le 11 octobre 1901, fils de Joseph Romsée (1872-1933) et de Louise Boogaerts (1869-1928). Trois ans auparavant, un frère, Paul, était né dans le même foyer. Gérard Romsée descendait, par son grand-père paternel, d’une famille wallonne. Son père s’était inscrit au barreau des avocats mais n’e plaida que rarement. Il bénéficiait de riches émoluments comme intendant et, de plus, ses propres biens lui procuraient des revenus substantiels. La langue du foyer familial était le français.

 

A partir de septembre 1914, le jeune Gérard suit le curriculum des humanités gréco-latines au Collège Notre-Dame de Tongres, études suivies en grande partie en français. Lorsqu’éclate la guerre, il se révèle patriote passionné. Il est radicalement anti-allemand et s’oppose à l’activisme flamand. En 1916, il fonde une sorte de société secrète, la “Main Noire” (= “De Zwarte Hand”), dont les membres jurent de se porter volontaires dans l’armée belge dès l’âge de dix-huit ans, en passant par les Pays-bas pour rejoindre le front de l’Yser. En 1917, toutefois, Romsée se rend compte que le Mouvement Flamand défend pour l’essentiel une cause fondamentalement juste. C’est l’affaire Paul Vandermeulen qui a provoqué ce déclic. Cet aumônier limbourgeois aux armées plaidait la cause des soldats flamands sur le front de l’Yser. Il réagissait contre le fait que le corps des officiers était constitué, quasi intégralement, de francophones et que les soldats flamands étaient commandés exclusivement en français. Et lorsque Paul Vandermeulen, plus tard, se prononça en faveur d’une flamandisation de l’Université de Gand, l’armée lui infligea une sanction disciplinaire. On l’exila alors dans l’île française de Cézembre où l’armée belge avait organisé un camp pénitentiaire. Ces faits furent rapidement connus à l’arrière, y compris dans le Limbourg occupé: la jeunesse des collèges catholiques réagit avec fureur. Outre l’affaire Vandermeulen, il faut aussi mentionner l’influence patente du prêtre Eugeen Froidmont (1891-1957) qui fit évoluer Romsée du patriotisme belge à la cause flamande.

 

A l’automne de l’année 1920, Romsée s’inscrit à l’Université Catholique de Louvain. Il y étudie le droit et la philosophie thomiste. Il s’engage également dans les rangs de l’association catholique étudiante KVHV et dans l’association Saint Thomas. Dès l’année académique 1921-1922, le mouvement étudiant flamand se radicalise. Les 12, 13 et 14 avril 1924, ils organisent à Louvain le 19ème Congrès des Etudiants Grand-Néerlandais (“Grootnederlands Studentenkongres”). Ce congrès est ponctué de plusieurs bagarres; au cours de l’une d’entre elles l’étudiant wallon Gaby Colbacq tire trois coups de pistolet sur le Flamand Albert Vallaeys. Celui-ci survit mais les Flamands réagissent avec davantage de vigueur. A la suite de ces incidents, les autorités académiques interdisent le 3 mai 1924 toute activité future. Le KVHV n’a pas l’intention d’obéir à cette injonction. On avance la date des élections du praesidium. Paul Beeckman est élu nouveau président (praeses) et écrit aussitôt une lettre aux autorités académiques qui laisse bien entendre que le KVHV ne tiendra pas compte de la mesure prise par celles-ci. Beeckman est chassé de l’université. Romsée, qui avait été élu vice-président, prend la direction de l’association. Le débat avec les autorités académiques se poursuit mais, finalement, Romsée et Tony Herbert sont à leur tour chassés de l’université. Pour Romsée, c’est très grave: en représailles, son père lui interdit de pénétrer encore dans le foyer parental.

 

Comme Romsée ne peut plus étudier à l’université, il ne pourra pas devenir docteur en philosophie thomiste, car il s’agit là d’un diplôme scientifique. Mais il poursuit ses études de droit en toute indépendance et obtient son doctorat dès le 11 août 1926. Il s’installe comme avocat à Anvers. Quelque temps après, il se réconcilie avec son père et, peu après cette réconciliation, sa mère décède.

 

La 26 mai 1929, Romsée est élu député sur une liste du KVV (“Katolieke Vlaamse Volkspartij”; = “Parti Populaire Catholique Flamand”). Il est co-signataire du projet fédéral d’Herman Vos le 23 avril 1931. Le 10 décembre 1933, le KVV du Limbourg décide de s’adjoindre au VNV nationaliste. Le VNV pouvait alors être considéré comme l’organisation politique qui apportait l’unité parmi les formations nationalistes éparpillées. Mais cette unité demeurait fort fragile. A l’intérieur du VNV, on constatait une opposition assez tranchée, notamment entre Reimond Tollenaere, très radical, et Gérard Romsée, considéré comme “modéré”. Lorsque Tollenaire revient en 1940, après avoir été déporté dans le sud de la France en “train fantôme”, il exige que Romsée soit démis de ses fonctions au sein du “Conseil de Direction” du VNV (“Raad van Leiding”).

 

Pendant la seconde guerre mondiale, Romsée devient d’abord gouverneur du Limbourg, ensuite secrétaire-général pour les affaires intérieures en date du 31 mars 1941. L’Administration militaire allemande (“Militärverwaltung”) exige cependant que Romsée soit nommé secrétaire-général de la justice. Le Comité des secrétaires généraux ne veut pas satisfaire cette exigence allemande parce que Romsée n’a pas la confiance de la magistrature. En tant que secrétaire général, il s’efforce d’assurer le bon fonctionnement de l’administration. Il est toutefois isolé dans le comité des secrétaires généraux. Au sein de ce groupe, le VNV ne compte qu’un seul membre outre Romsée, en l’occurence Victor Leemans. Celui-ci manifeste aussi une nette indépendance d’esprit et n’apporte pas toujours son soutien à Romsée. On ne peut pas affirmer que Romsée soit un instrument des Allemands, dépourvu de toute volonté personnelle. Il se montre certes prêt à aller un peu plus loin dans la mise en oeuvre des ordonnances allemandes que ses collègues et la Militärverwaltung est très satisfaite de ses services. Le 6 février 1943, Romsée nomme Emiel Van Coppenolle commandant-en-chef de la gendarmerie.

 

A la fin de la guerre, Romsée fuit le pays. Il ne craint pas seulement la répression et sait aussi que Rex le vise car il s’est toujours montré réticent à nommer des rexistes à des postes importants. Son frère Paul est fusillé le 9 septembre 1944 par des membres du groupe “Partisans Armés”. Le 5 mai 1945, Romsée est à nouveau en Belgique et se constitue prisonnier. Il est jugé par l’Auditorat militaire de Bruxelles le 17 février 1947 et par le Conseil de Guerre le 27 mai 1948. La Cour le condamne à vingt ans de prison et à dix millions de francs de dommages et intérêts à l’Etat.

 

Romsée est libéré le 23 mars 1951. Il participe à la constitution du “Vlaamse Volksbeweging” en 1953 (= “Mouvement Populaire Flamand”), participe à quelques réunions mais se retire complètement de la politique en 1956. Il épouse sa nièce, Paule Romsée, le 18 mai 1955. Le mariage religieux est béni le 23 mai 1955. Il meurt le 14 avril 1976.

 

Cette brève notice biographique, qui se réduit à l’essentiel, induira plus d’un lecteur à se poser la question: cette biographie est-elle si intéressante qu’il a fallu lui consacrer tout un livre? Oui, car pour bien connaître l’histoire du nationalisme flamand pendant l’entre-deux-guerres et pendant la seconde guerre mondiale, il fallait absolument une étude scientifique sur Romsée. Pendant la seconde guerre mondiale, Romsée a entretenu des contacts jusqu’en juin 1943 avec la Cour, plus précisément avec Robert Capelle, secrétaire de Léopold III, qui ne condamnait pas la gestion de Romsée. Après sa  sortie de prison, Romsée ne s’est guère tu quant à ses activités du temps de guerre mais n’a jamais dit qui était sa personne de contact au Palais. En gardant le silence, il a, sans le vouloir, contribué à la naissance d’un mythe. Quoi qu’il en soit, c’est un fait évident: Romsée fut l’un des rares nationalistes qui, pendant une brève période, s’est retrouvé au coeur du pouvoir en Belgique. Ce membre du VNV du Limbourg était déjà accepté dans les salons avant la guerre.

 

Romsée n’a pas seulement été une figure importante du nationalisme flamand, il était aussi un personnage étonnant. Sa personnalité était très renfermée; manifestement, il avait des difficultés à nouer des relations affectives normales. Il était profondément croyant et a souvent cultivé l’idée de devenir prêtre ou de se retirer dans un couvent. Il avait un grand sens du devoir et une incroyable capacité de travail. Il était un homme raisonnable et érudit. On lui accorde encore et toujours la réputation d’avoir appartenu à l’aile démocratique du VNV, bien qu’un examen plus précis de la question permet de déduire que rien ne le confirme vraiment. On le compte parmi les modérés mais était problablement plus radical qu’il n’en donnait l’impression. On estime aussi qu’il appartenait à l’aile fédéraliste du VNV mais semble plutôt avoir été un “Grand-Néerlandais” convaincu. Evrard Raskin cite notamment un article de Romsée paru dans “De Bilzenaar”, le 18 août 1934: “On peut se représenter la Grande Néerlande comme un Etat fédéral des Flamands et des Néerlandais. Si un tel fédéralisme avec la Hollande se réalisait par la volonté exclusive du peuple flamand, alors ce fédéralisme pourrait être plus facilement mis en place que tout fédéralisme avec la Wallonie et il faudrait lui donner la préférence. Car les Flamands et les Hollandais forment ensemble la même communauté populaire et culturelle: le peuple néerlandais, lié par l’usage d’une seule et même langue néerlandaise” (p. 136).

 

Evrard Raskin, ancien député de la Volksunie, nous livre un travail bien fait, volumineux, agréable à lire et bien étayé. Il a comblé une lacune dans l’histoire du nationalisme flamand. Cet historien et ce jursite, né en 1935, a réussi à faire oublier cet arrière-goût désagréable que nous avait laissé la rédaction de ses mémoires politiques en 1980.

 

Edwin TRUYENS.

(recension parue dans “Kort Manifest”, n°84, sept.-oct. 1997).

lundi, 12 mars 2012

L'invasion anglo-gaulliste de la Syrie française

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L'invasion anglo-gaulliste de la Syrie française (7 juin-14 juin 1941)

 
Ex: http://anti-mythes.blogspot.com/

DANS la mode actuelle des commémorations, de la degaullâtrie promue par le Système — indice sûr, s'il en était besoin, qu'il est tout sauf un héros français —, est curieusement oublié le 70e anniversaire de l'invasion anglo-gaulliste de la Syrie française. On conçoit une certaine gêne : des Français ont tiré sur des Français, et ce crime pour voir la France chassée du Levant. Aujourd'hui hélas tout est possible, même fêter en France le 19 mars 1962, mais là, heureusement, ils n'ont pas osé. Les colonies françaises — dont les mandats de Syrie et du Liban — sont demeurées massivement fidèles au Gouvernement français du Maréchal Pétain à l'été 1940. Un peu moins d'un an plus tard, il faut bien constater que les Germano-Italiens ne les ont pas attaquées — faute de moyens peut-être, mais c'est un fait — tandis que les Anglais ont tenté de prendre le Sénégal — et de là toute l'A.O.F. à l'automne 1940 — et ont apporté un soutien logistique décisif à leurs auxiliaires gaullistes pour s'emparer de l'A.E.F. — avec déjà des combats fratricides causant la mort de centaines de Français au Gabon —. La France, même battue en Métropole, à moitié occupée, conserve un rôle mondial de par sa présence en Afrique et en Asie ; en outre, les colonies, si les cargos manquent, permettent de jouer un rôle important dans le ravitaillement de la population française. À ce moment-là, elles contribuent à la sauvegarde physique de notre peuple, ce dont les gaullistes avec leur patrie fictive dans les nuées — donc absolument intransigeante, certainement — n'ont cure ; ainsi, la parade du "Général" à Brazzaville ne signifie pas la renaissance de la France, mais sa mort, des bananes congolaises en moins pour les familles françaises. ; Le Levant entre dans l'actualité brûlante du second conflit mondial avec le coup d'Etat en Irak du Général Rachid Gaylini, qui veut libérer son pays de la dépendance anglaise — politique, économique, militaire, derrière une fausse indépendance formelle —. Début mai, les Britanniques, partis du Koweït, partent à la conquête du pays. Les Allemands décident de le soutenir — ils viennent de s'emparer des Balkans —, en envoyant une escadrille et des armes par convois ferroviaires — via la Turquie et la Syrie, contraintes d'accepter le transit —. Cette aide, faible, n'inverse pas pour autant le cours des événements, l'armée professionnelle britannique triomphe assez vite des Irakiens, peu entraînés et mal commandés.

Alors que les combats s'achèvent en Irak, les Protocoles de Paris sont signés le 28 mai 1941 par l'amiral Darlan et l'ambassadeur Abetz. Dans ce cadre est autorisée la poursuite — devenue sans objet — de l'aide à Rachid Gaylini, et le ravitaillement de l'Afrika Korps via la Tunisie, avec pour contrepartie la libération de prisonniers, dont un millier d'officiers, afin de renforcer les défenses des colonies. Des perspectives plus lointaines sont évoquées, comme la location par les Allemands de bases navales à Bizerte et Dakar ; le risque de guerre est évident, aussi Darlan exige-t-il des gestes significatifs, comme la libération de tous les prisonniers, la fin des frais d'occupation, un vrai statut de cobelligérant le cas échéant et non plus de vaincu. Il semblerait que l'application des propositions avancées soient bloquées principalement par les Italiens — qui risquent de perdre leur statut de principal allié — et des méfiances réciproques entre Français et Allemands. L'aide à l'Irak, tout comme ces Protocoles de Paris, servent de justification à l'invasion britannique. Contrairement à toute la propagande alliée, qui dure encore, cette nouvelle agression ne constitue pas un acte indispensable, et encore moins habile de Churchill : il y a là au contraire de quoi vaincre toutes les réticences de Vichy, faire basculer la France dans le camp de l'Axe. Aussi ces événements sont-ils décisifs : une résistance prolongée de la Syrie française, avec le soutien allemand, aurait pu constituer un tournant dans la guerre. Le Premier ministre britannique pense à court terme, à obtenir une victoire facile — espère-t-il — pour regagner du prestige, ébranlé par le désastre de Crête, après la Grèce, qui s'achève le 1er juin.


L'invasion se prépare au moins dès le mois de mai, voire, vraisemblablement bien avant. De Gaulle, informé, tient absolument à la participation de troupes françaises "libres" ; ces officiers — pourtant exaltés — protestent, refusant dans un premier mouvement de combattre contre d'autres Français, mais il insiste et parvient à les convaincre ; il leur promet — avec son assurance mystique habituelle — que leur présence serait fondamentalement pacificatrice, susciterait l'adhésion des forces de Syrie à la France-"Libre", et pérenniserait la présence française au Levant.

Aussi le 10 juin, 40 000 Britanniques, avec un quart de Français "Libres" — proportion non négligeable, voire décisive —, commandés par le général Wilson, attaquent 30 000 Français — dont deux tiers de troupes indigènes —, commandés par le général Dentz.

histoire,deuxième guerre mondiale,seconde guerre mondiale,syrie,proche orient,1941L'action débute sur le front     méridional : venant de Palestine, le 10 juin la 7e Division australienne       d'infanterie avance le long de la côte de Saint-Jean d'Acre vers Beyrouth, couverte par les canons de la marine britannique, tandis que la 5e brigade indienne d'infanterie et les Français "Libres" progressent à l'intérieur vers Damas. Au bout d'une semaine, ces progressions sont bloquées, souvent repoussées par des contre-attaques françaises, mais trop diffuses et d'ampleur limitée ; Dentz n'ose pas concentrer tactiquement ses moyens — déployés sur tout le front sur trois lignes parallèles — et profiter de la supériorité ponctuelle momentanée ; sitôt le terrain reconquis, il n'exploite pas le trouble adverse, mais organise la réoccupation systématique des positions défensives, il est vrai plutôt bonnes, qui s'appuient sur le relief.

À partir du 17 juin, Wilson engage deux nouvelles divisions sur le front Sud, qui résiste quelques jours. Mais les Forces Françaises "Libres" entrent à Damas le 21 juin 1941. Pendant ce temps les forces britanniques d'Irak entrent enfin en action et envahissent la Syrie par l'Est, en deux colonnes, l'une remontant l'Euphrate, l'autre traversant le désert jusqu'à Palmyre, avec l'intention de poursuivre jusqu'à la mer ; elles rencontrent assez peu d'opposition, les forces françaises étant plutôt concentrées sur le front méridional.

Le général Dentz a demandé dès le début des hostilités un soutien aérien de la Luftwaffe, qui lui aurait permis de tenir beaucoup plus longtemps. Or, à partir du 22 juin, l'aviation allemande participe de manière intensive à l'invasion de l'URSS, et ne peut distraire un nombre significatif d'avions en Syrie. Quant aux renforts terrestres français, si les autorisations pour qu'ils traversent l'Europe sont données, ils n'ont pas le temps de rejoindre la Syrie.

Le 11 juillet, la situation des forces françaises est très compromise ; pour éviter une capitulation pure et simple, le Maréchal autorise Dentz à demander la suspension des combats. Un armistice est signé le 14 juillet 1941 à Saint-Jean d'Acre. Les pertes sont lourdes, avec près de 6 000 hommes hors de combat dans les deux camps.

La Syrie, après l'Irak le mois précédent, a été le moment d'un choix décisif pour Hitler ; au lieu d'envahir l'URSS, il aurait pu, via la Turquie, alors prête à basculer contre l'octroi de la région de Mossoul — Nord de l'Irak —, s'emparer du Proche-Orient, et de ses ressources pétrolières considérables. Il choisit de s'en tenir à son idée première. En principe, toutes les troupes françaises sont rapatriées en Métropole ; De Gaulle obtient in extremis le droit de leur faire de la propagande, mais il obtient peu de succès. Dentz rentre en France avec ces hommes : il subira la vengeance gaulliste, condamné à mort pour « haute trahison » le 20 avril 1945. Souffrant de mauvais traitements en prison, âgé, il meurt le 13 décembre 1945. Les Britanniques imposent leur pouvoir sur la Syrie et le Liban, soutiennent les nationalistes arabes contre les Français "Libres", peu nombreux et tout juste tolérés jusqu'en 1946 — ils partent suite à un humiliant ultimatum.

Scipion de SCALM. Rivarol

vendredi, 09 mars 2012

Roosevelt, la destruction de l’Europe et le désastre de la première mondialisation

Roosevelt, la destruction de l’Europe et le désastre de la première mondialisation

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par Nicolas Bonnal

Quand on se plaint du présent, il faut toujours se rappeler le bon vieux temps des guerres. Ceux qui s’étonnent du niveau abyssal de notre endettement ou du bilan désastreux – ce ne sont pas nos lecteurs – du printemps arabe et du bilan de la guerre en Irak ont ainsi besoin qu’on leur rafraichisse la mémoire.

J’ai toujours été étonné par l’incroyable dimension du désastre européen au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Les pertes humaines sont bien sûr énormes, bien sûr imputables aux nazis et la à la guerre à l’Est, mais aussi bien sûr les pertes matérielles. Toute l’Europe occidentale a été bombardée, y compris les lieux saints du mont Cassin (les puissances protestantes voulaient intimider le pape). Staline contrôle tout l’orient de l’Europe et l’on laisse les guerres civiles et la disette s’installer un peu partout comme au bon vieux temps du moyen âge finissant. Même l’Angleterre a été ruinée, rincée même par son coopérant américain, et Churchill, auteur malheureux du conflit est chassé des Communes avec les huées. C’est l’époque d’Orwell, et ce n’est pas un hasard. Mais l’être humain aime être motivé par le désastre, on le sait depuis la Bible et Milton.

***

Il y a bien un responsable à tout cela, responsable qui a voulu et permis la destruction de l’Europe (nous avons été sauvés de la misère par son successeur Truman), l’anéantissement et non la défaire de l’Allemagne, la liquidation des empires coloniaux français et britanniques ; qui a voulu aussi la montée de la Chine communiste et le triomphe de l’union soviétique présentée avec son NKVD, son goulag et le Holodomorukrainien [1] comme un « paradis social mutualiste », y compris dans les films hollywoodiens de l’époque.

Ce responsable c’est Roosevelt auquel l’historien amateur (dans amateur il y a aimer, disait Orson Welles) Bernard Plouvier(1) a consacré un passionnant ouvrage à la fois synthétique et documenté. Il résume parfaitement le bellicisme insensé de Roosevelt qui a tout fait pour lancer le Japon dans la guerre, détruire l’Europe (plus de Français morts dans les bombardements libérateurs que de soldats US tués pendant la guerre !), diviser le monde et créer le réseau de bases et le fameux complexe militaro-industriel d’Eisenhower.

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Roosevelt se laisse aussi hypnotiser, conifier disait Céline, par les mots comme nos idiots d’aujourd’hui. Il se lance dans une « croisade », exige une « capitulation sans condition » (en suivant le modèle affreux de l’incroyable guerre de sécession, premier scandale des temps modernes industriels), hurle et lance une « guerre totale » qui ne laisse d’autre choix à l’adversaire que de se mal comporter jusqu’au bout. Il laisse aussi les Juifs d’Europe à leur sort, et dès avant la guerre, alors que de tous côtés on le prévient et que même les nazis veulent faire des échanges hommes-matériel.

Mais pour Roosevelt la solution la pire est toujours la meilleure : il fallait en passer par la shoah et par soixante millions de morts pour que le nouvel ordre mondial auquel Roosevelt pense puisse s’établir ; et casser mille oeufs pour une petite omelette ; repensez au cas irakien.

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Mille oeufs pour la mauvaise omelette. C’est d’une certaine manière l’héritage de cet impayable New Deal dont nous a rebattus les oreilles : le triplement de la dette n’a pas attendu Bush le guerrier et Obama le généreux ! Avec la guerre la dette aura sextuplé ! On a triplé en huit ans le nombre de fonctionnaires et on n’a pas créé d’emplois, la crise de 38 remettant sur la pavé des millions d’américains. Mais Roosevelt tient les médias et il est hélas réélu cherchant à sauver son économie par une guerre mondiale destinée à contrôler le pétrole, à mettre fin à la concurrence allemande et à ouvrir les marchés coloniaux de la Old Europe si chère à Rumsfeld…

En même temps il a socialisé l’économie américaine, fait exploser les impôts, avec des tranches à 100 %. Comme dit Bernard Plouvier : « L’Etat US, sous FDR, apprend à vivre à crédit ; c’est une leçon que les gouvernants des USA n’ont pas oubliée ». L’autre qu’ils n’ont pas oublié, c’est que la guerre fait vivre, et que le complexe militaro-industriel s’étend toujours plus, jusqu’aux enfants maintenant (j’en reparlerai).

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Plouvier voit aussi un autre projet, et je pense à Bernanos et à son texte magique « La France contre les robots« . Roosevelt rêve d’un Etat mondial où tout est sous contrôle (cf. Orwell dont l’Etat se nomme Oceania en référence au damné Cromwell), et où l’homme, une fois qu’il sera transformé, va se comporter comme un robot discipliné et interchangeable.

« FDR compte transformer les peuples qui fourniront ses marchés à l’économie des USA en autant d’étudiants en l’art de vivre à l’américaine. »

Franklin Roosevelt, créature de la matrice américaine au détriment du peuple américain et du monde, mais surtout créateur à court terme des empires communistes et du champ de ruines européen et nippon, et du tiers-monde postcolonial…

Il est clair à la lecture de ce livre qu’il vaut mieux pour l’Europe et le monde un mauvais républicain qu’un bon démocrate à la Maison Blanche ; et que le grand Reagan fut celui qui nous libéra sur tous les plans de l’effroyable bilan politique et humain du sinistre grand homme.


(1) Bernard Plouvier, « l’Enigme Roosevelt, faux naïf et vrai Machiavel », Ed. Dualpha, collection « Vérités sur l’Histoire ».

Article printed from :: Novopress Québec: http://qc.novopress.info

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lundi, 16 janvier 2012

NRH: les intellectuels et la gauche dans la collaboration

Le nouveau numéro de la NRH :

LES INTELLECTUELS ET LA GAUCHE DANS LA COLLABORATION

dossier-581.jpgPourquoi les années 40 continuent-elles de fasciner à ce point ? Il faut sans doute tenir compte de leur présence récurrente dans les médias. Mais on peut penser aussi que pèse inconsciemment dans les mémoires le concentré chronologique de ces années-là. D’un jour à l’autre, la vision de la veille était bouleversée par le mouvement des armées en Russie ou en Asie. Dès que l’on examine d’un peu près le destin des acteurs français, ce qui frappe c’est à quel point il était imprévisible. Qui, en 1938, aurait imaginé le destin ultérieur du maréchal Pétain, celui de Pierre Laval, celui de Marcel Déat, celui de Jacques Doriot et de tant d’autres ? Et parmi ces destins, celui des intellectuels et des hommes de gauche engagés dans la Collaboration est certainement ce qui déconcerte le plus. Mais c’est une réalité en grande partie masquée. Le dossier que nous avons réalisé vise à révéler tout ce pan occulté de la période.

 

Au cours d’un entretien recueilli par Pauline Lecomte, Dominique Venner, auteur d’une Histoire de la Collaboration réputée, trace les contours réels de cette histoire qui ne se confond pas avec celle de Vichy (p. 34). Côté allemand, l’acteur politique principal était Otto Abetz. Charles Vaugeois en brosse le portrait réel et souligne ses intentions méconnues (p. 38). Côté français, on l’ignore souvent, la Collaboration s’est principalement nourrie de la gauche pacifiste et socialiste, ce que montre ici Francis Bergeron (p. 40). Le rôle de l’intelligentsia fut également prépondérant, favorisé par un acteur allemand trop oublié, Karl Epting, l’un des rares admirateurs germaniques de Céline (p. 44). Dans ce dossier, nous ne pouvions pas ignorer le personnage capital et fascinant que fut Drieu la Rochelle, ce que fait Julien Hervier, l’universitaire le plus averti à son sujet (p. 46). C’est un destin tout différent et très original que révèle Alain de Benoist en traçant le portrait de Georges Soulès, futur René Abellio (p. 50). Après quoi Antoine Baudoin propose un impressionnant Dictionnaire des nombreux hommes politiques de gauche engagés dans la Collaboration (p. 53). Et pour conclure, Philippe d’Hugues brosse un tableau très complet de ce que fut la scène littéraire au cours d’années qui ne furent pas noires pour tous (p. 58).

mercredi, 05 octobre 2011

U.S. Plan to Invade Brazil

 

U.S. Plan to Invade Brazil

Ex: http://xtremerightcorporate.blogspot.com/

Not many people know how close the United States came to invading, of all places, Brazil during World War II. Most know that Brazil did finally enter the war as one of the Allied nations and the Brazilian expeditionary force saw action in the later phase of the conflict in Italy against the forces of Nazi Germany and the Italian Social Republic. However, how Brazil came to that point is a sordid tale of diplomatic pressure and military threats against the Brazilian dictator President Getulio Vargas. Today, as with so many others, Vargas is labeled by historians as an example of a far-right dictator but actually moved from right to left and back again in terms of his policies. However, he did finally adopt elements of syndicalism and the “New State” idea first enacted in Portugal by their last great leader Prime Minister Antonio Salazar. President Vargas doubtlessly admired some of the principles of the fascist trend that was sweeping Europe but, more than that, he really had no desire to enter World War II and, as far as Brazilian national security went, was more concerned with Argentina than Germany or Italy. Vargas also had to be wary of taking sides since his army tended to favor the fascist powers while his air force and navy tended to favor the Allies.


The Roosevelt administration was very concerned about Brazil, mostly due to the wealth of natural resources available in the country. They claimed, naturally, that they were worried about Axis aggression against Brazil and South America -famously putting out a forged Axis “war plan” that, among other ludicrous lies, called for Axis forces, having conquered Africa, to jump the Atlantic gap over to Brazil. President Vargas, of course, knew that there was no more danger of Germany and Italy invading Brazil than of them invading Mars. However, he knew he had to keep on friendly terms with the United States which was a much more immediate threat and which, through the Monroe Doctrine, had long claimed all of the Americas as their exclusive sphere of influence. Vargas did such a good job at this that the State Department diplomats in Brazil reported to Washington that they really had no idea which side he was really on. FDR had his State Department strongly “suggest” that Vargas request U.S. military support to strengthen his defenses against possible German and Italian aggression.

Naturally, Vargas turned down this suggestion but later did request simply U.S. weapons and war materials, not for fear of Germany or Italy but for the real threat posed by Argentina. However, FDR’s War Department was hesitant to fulfill that request because they feared that FDR would invade Brazil and American forces would then have Brazilian troops using their own weapons against them. Still, despite the diplomatic pressure from FDR, President Vargas refused to let FDR dictate his foreign policy and he still wanted no part in FDR’s aggressive war to save the Soviet Union. Just this hesitation was deemed as being so outrageous by FDR that he had his military staff come up with the “Joint Basic Plan for the Occupation of Northeastern Brazil”. Keep in mind that this was the same President who had criticized Mussolini for invading Ethiopia (after being provoked), who had criticized Hitler for invading Scandinavia (after the British had mined Norwegian waters) and who had criticized the Japanese for occupying Manchuria even though the Republic of China did not even resist the incursion. Now, FDR was coming up with plans for an invasion of neutral Brazil which had no ties with the Axis and posed absolutely no threat to the United States simply because they refused to fall in behind him.


There is absolutely no doubt about this as, in addition to that contingency plan, an actual plan of attack was drawn up with specific military units assigned to the invasion. FDR approved “Operation Rubber Plan” on December 21, 1940 (before the Japanese attack on Pearl Harbor and before the U.S. was even at war herself with Germany, Italy and Japan) which called for -without a declaration of war mind you- a naval bombardment of Brazilian coastal facilities to soften up shore defenses for an amphibious attack by the U.S. Marines. This would be followed by a formal invasion by the 1st and 3rd Marine Battalions from the 5th Marine Division, launched from a naval task force including the battleship USS Texas, the aircraft carrier USS Ranger, 12 troop transports and supporting vessels. The 9th Division, US Army, would then relieve the Marines and press forward the invasion to seize key Brazilian ports and airfields for American use. The 45th Army Infantry Division would be held in reserve in case unexpected resistance was met. All of these forces were in training for this operation and put on the alert to be ready to launch the attack within 10 days of President Roosevelt giving the “go” order.


President Vargas found out about this invasion plan in January of 1942 and, of course, had no choice but to immediately break off diplomatic relations with the Axis and he allowed 150 US Marines to occupy certain Brazilian airfields. Still, however, FDR was not satisfied and his plan for the invasion and occupation of Brazil was not officially set aside until May when Vargas signed the Brazilian-American Defense Agreement. Nonetheless, it was clear that Vargas was acting under extreme duress as he delayed as long as possible committing Brazilian forces to combat in a war which had nothing to do with his country at all. Nonetheless, eventually he was forced to declare war on the Axis and Brazilian troops were dispatched to the bitter fighting in northern Italy where they fought with great courage but were badly mauled by the Italian Monterosa Division. This was the victory which allowed Mussolini to return to Milan where the march to power of his Blackshirts had first begun. But, as far as Brazil was concerned, it was President Roosevelt rather than Mussolini who was the real aggressor and the real threat to their independence and national sovereignty.

mercredi, 14 septembre 2011

Dominique Venner: Le passé vichyste de Mitterrand

Dominique Venner:

Le passé vichyste de Mitterrand

dimanche, 04 septembre 2011

De la Perse à l'Inde: les commandos allemands au Proche et au Moyen Orient de 1914 à 1945

Rudolf MOSER:

De la Perse à l’Inde: les commandos allemands au Proche et au Moyen Orient de 1914 à 1945

 

Wasmuss2.jpgLes études historiques se rapportant aux trente ans de guerres européennes au cours du 20ème siècle se limitent trop souvent à des batailles spectaculaires ou à des bombardements meurtriers, qui firent énormément de victimes civiles, comme Hiroshima ou Dresde. Les aventures héroïques de soldats allemands sur des fronts lointains et exotiques ne sont guère évoquées, surtout dans le cadre de l’historiographie imposée par les vainqueurs. La raison de ce silence tient à un simple fait d’histoire: les puissances coloniales, et surtout l’Angleterre, ont exploité les peuples de continents tout entiers et y ont souvent mobilisé les indigènes pour les enrôler dans des régiments à leur service.

 

L’historiographie dominante, téléguidée par les officines anglo-saxonnes, veut faire oublier les années sombres de l’Empire britannique, ou en atténuer le souvenir douloureux, notamment en valorisant le combat de cet officier anglais du nom de Thomas Edward Lawrence, mieux connu sous le nom de “Lawrence d’Arabie”. Cet officier homosexuel a mené au combat les tribus bédouines de Fayçal I qui cherchaient à obtenir leur indépendance vis-à-vis de l’Empire ottoman. Il fallait, pour les services naglais, que cette indépendance advienne mais seulement dans l’intérêt de Londres. Le 1 octobre 1918, Damas tombe aux mains des rebelles arabes et, plus tard dans la même journée, les forces britanniques entrent à leur tour dans la capitale syrienne. Mais les Arabes étaient déjà trahis depuis deux ans, par l’effet des accords secrets entre l’Anglais Sykes et le Français Picot. L’ensemble du territoire arabe de la Méditerranée au Golfe avait été partagé entre zones françaises et zones anglaises, si bien que les deux grandes puissances coloniales pouvaient tranquillement exploiter les réserves pétrolières et contrôler les régions stratégiques du Proche Orient. La liberté que Lawrence avait promise aux Arabes ne se concrétisa jamais, par la volonté des militaires britanniques.

 

Beaucoup de tribus de la région, soucieuse de se donner cette liberté promise puis refusée, entrèrent en rébellion contre le pouvoir oppressant des puissances coloniales. La volonté de se détacher de l’Angleterre secoua les esprits de la Méditerranée orientale jusqu’aux Indes, tout en soulevant une formidable vague de sympathie pour l’Allemagne. Les rebelles voulaient obtenir un soutien de la puissance centre-européenne, qui leur permettrait de se débarrasser du joug britannique. Ainsi, pendant la première guerre mondiale, le consul d’Allemagne en Perse, Wilhelm Wassmuss (1880-1931), fut un véritable espoir pour les indépendantistes iraniens, qui cherchaient à se dégager du double étau russe et anglais. L’historien anglais Christopher Sykes a surnommé Wassmuss le “Lawrence allemand” dans ses recherches fouillées sur les Allemands qui aidèrent les Perses et les Afghans dans leur lutte pour leur liberté nationale.

 

Fin 1915, début 1916, le Feld-Maréchal von der Goltz, commandant en chef des forces armées de Mésopotamie et de Perse, entre dans la ville iranienne de Kermanshah. Les Perses s’attendaient à voir entrer des unités allemandes bien armées, mais le Feld-Maréchal n’entre dans la ville qu’avec deux automobiles. Pendant ce temps, le Comte von Kanitz avait constitué un front contre les Anglais qui avançaient en Perse centrale. Les forces qui meublaient ce front étaient composées de gendarmes iraniens, de mudjahiddins islamiques, de mercenaires, de guerriers tribaux (des Loures et des Bachtiars) et de Kurdes. La mission militaire germano-perse se composait de trente officiers sous le commandement du Colonel Bopp. Le gouvernement de Teheran cultivait une indubitable sympathie pour les Allemands: l’Angleterre se trouvait dès lors dans une situation difficile. Lorsque la Turquie ottomane entra en guerre, un corps expéditionnaire britannique, sous le commandement de Sir Percy Cox, occupa Bassorah et Kourna. La Perse se déclara neutre mais, malgré cela, les Anglais continuèrent à progresser en territoire perse, pour s’assurer l’exploitation des oléoducs de Karoun, entre Mouhammera et Ahwas.

 

Les tribus des régions méridionales de la Perse étaient toutefois fascinées par Wassmuss, le consul allemand de Boushir, originaire de Goslar. Wassmuss traversa le Louristan, région également appelée “Poucht-i-Kouh” (= “Derrière les montagnes”), où vivaient des tribus éprises de liberté, celles des Lours. En 1916, Wassmuss fait imprimer le journal “Neda i Haqq” (“la Voix du droit”) à Borasdjan, “pour éclairer et éveiller l’idée nationale persane”. Wassmuss travailla d’arrache-pied pour influencer le peuple iranien. Son journal en appelait à la résistance nationale et préchait la révolte contre l’ennemi qui pénétrait dans le pays. Wassmuss fut ainsi le seul à pouvoir unir les tribus toujours rivales et à leur donner cohérence dans les opérations. “Les chefs religieux distribuèrent des directives écrites stipulant qu’il était légal de tuer tous ceux qui coopéraient avec les Anglais”. Mais tous les efforts de Wassmuss furent vains: il n’y avait aucune planification et la révolte échoua, littéralement elle implosa. Elle est venue trop tard: dès le début de l’année 1918, les troupes britanniques avaient occupé la majeure partie du territoire perse, en dépit de la neutralité officielle qu’avait proclamée le pays pour demeurer en dehors du conflit.

 

Pendant la seconde guerre mondiale, les Alliés ne s’intéressaient qu’au pétrole, qu’à assurer leur prédominance économique en Iran, et ne se souciaient guère de lutter contre l’idée nationale persane. Rien n’a changé sur ce chapitre aujourd’hui: les Occidentaux ne cherchent que des avantages économiques. Toujours pendant le second conflit mondial, près d’un million d’hommes, épris de liberté, se sont rangés aux côtés de la Wehrmacht allemande, dans l’espoir de libérer leur pays de la tutelle des puissances coloniales occidentales: parmi eux, on compte les Indiens de la Légion “Asad Hindi”, les troupes recrutées par le Mufti de Jérusalem, les combattants issus des tribus du Caucase et quelques nationalistes iraniens. Ces derniers ont également apporté leur soutien à une opération osée, et sans espoir, que l’on avait baptisée “Amina”. Elle avait été planifiée par l’Abwehr de l’Amiral Canaris et devait être menée à bien par des soldats de la fameuse division “Brandenburg”.

 

L’objectif était de détruire la raffinerie de pétrole d’Abadan afin d’interrompre l’approvisionnement en carburant de la flotte britannique du Proche Orient. Mais les troupes britanniques et soviétiques sont entrées dans le Sud et dans le Nord de l’Iran, le 25 août 1941 et l’opération prévue par Canaris n’a pas pu avoir lieu. Plusieurs unités iraniennes résistèrent âprement mais dès le 28 août, elles ont dû capituler. Mais la lutte clandestine s’est poursuivie: début 1942, l’Abwehr allemande engage cent soldats indiens, qu’elle a bien entraînés, pour faire diversion dans l’Est de l’Iran. Les autres théâtres d’opération, très exigeants en hommes et en matériels, et l’éloignement considérable du front persan ont empêché toute intervention directe des Allemands. Les ressortissants allemands qui se trouvaient encore en Perse, après l’entrée des troupes britanniques et soviétiques, ont courageusement continué à soutenir les efforts des résistants iraniens. Il faut surtout rappeler les activités légendaires de Bernhard Schulze-Holthus, qu’il a déployées auprès des tribus guerrières des Kashgaï. Il était le conseiller du chef tribal Nazir Khan, qui refusait de payer des impôts à Teheran. Le rejet de la présence britannique conduisit donc à cette alliance germano-perse. Après plusieurs défaites, qui coûtèrent beaucoup de vies au gouvernement central iranien, celui-ci conclut un armistice avec Nazir Khan. Ce traité promettait l’autonomie aux Kashgaïs et leur fournissait des armes. En 1943, Nazir Khan revient de son exil allemand. Les Britanniques l’arrêtent et l’échangent en 1944 contre Schulze-Holthus.

 

De nos jours encore, les régions du monde qui ont fait partie de l’Empire britannique sont des foyers de turbulences, surtout au Proche Orient. La question est ouverte: à quand la prochaine attaque contre le “méchant Iran”, que décideront bien entendu les “bonnes” puissances nucléaires?

 

Rudolf MOSER.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°44/2010; http://www.zurzeit.at ).

samedi, 03 septembre 2011

La tragédie des "Wolfskinder" dans l'Allemagne d'après-guerre

Pieter AERENS:

La tragédie des “Wolfskinder” dans l’Allemagne d’après-guerre

 

wolfskinder.jpgLe terme allemand “Wolfskinder” —littéralement “enfants-loups”— désigne les orphelins de guerre allemands qui, après la capitulation du Troisième Reich, ont été laissés à eux-mêmes et qui, à la recherche de nourriture en dehors des frontières allemandes, ont erré dans des pays étrangers, surtout en Pologne, en Lithuanie et en Union Soviétique (dans la partie de la Prusse Orientale annexée à l’URSS). Leur nombre s’élève à plusieurs milliers d’enfants et leur sort fut bien souvent épouvantable. Beaucoup de “Wolfskinder”, d’“enfants-loups”, sont morts de faim, ont été assassinés, violés, maltraités ou exploités comme esclaves. Quelques centaines d’entre eux ont été recueillis par des familles lithuaniennes (souvent sans enfant), puis adoptés. Ils ont perdu ainsi leur identité allemande. Après la fameuse “Wende”, le “tournant”, c’est-à-dire après la chute du Rideau de Fer et du Mur de Berlin, les autorités allemandes officielles ont montré pour la première fois de l’intérêt pour ces “enfants-loups” qui étaient entretemps devenus des quadragénaires voire des quinquagénaires. Les médiats aussi leur ont consacré de l’attention.

 

A la demande de la chaine de télévision ZDF, la journaliste Ingeborg Jacobs a réalisé un documentaire en trois volets, intitulé “Kinder der Flucht” (“Enfants de l’Exode”). Ce documentaire a été télédiffusé en 2006 et a suscité énormément d’intérêt. Le sort affreux de ces “enfants-loups” a soulevé une émotion générale dans tout le pays. Dans son documentaire, la journaliste et réalisatrice Ingeborg Jacobs, traite du cas épouvantable de Liesabeth Otto, qui avait sept ans en 1945. Mais Ingeborg Jacobs n’a pas pu exploiter toute la documentation qu’elle avait glanée pour son reportage; elle a alors décidé de publier un livre particulier, consacré uniquement à Liesabeth Otto (“Wolfskind: Die unglaubliche Lebensgeschichte des ostpreussischen Mädchens Liesabeth Otto” – “Enfant-Loup: l’incroyable biographie d’une petite fille de Prusse Orientale, Liesabeth Otto”, Munich, Propyläen, 2010). Avant d’avoir publié l’histoire de Liesabeth Otto, Ingeborg Jacobs avait déjà, en 2008, édité un ouvrage sur les viols en masse des filles et femmes allemandes par les soldats de l’armée soviétique. “Freiwild: Das Schicksal deutscher Frauen 1945” – “Gibier à disposition: le sort des femmes allemandes en 1945”). Mais bornons-nous ici à recenser le calvaire de Liesabeth Otto.

 

Le père de la petite Liesabeth était un pauvre ouvrier plâtrier, mobilisé par l’armée: il avait été porté disparu dans la tourmente de la guerre. La mère de la fillette meurt de faim et d’épuisement en mai 1945 dans la ville de Dantzig, complètement détruite par les opérations militaires et les bombardements. Avec sa soeur aînée et son frère, Liesabeth essaie de survivre. Les journées se passaient à chercher quelque chose de mangeable. Ils mangeaient de tout: des chats, des moineaux, ... Les feuilles de tilleul ou les orties étaient considérées comme des friandises. Pour un misérable quignon de pain, Liesabeth se dispute violemment avec sa soeur aînée et prend la fuite. Sa soeur aurait littéralement crevé de faim en 1947, à l’âge de seize ans. En Prusse Orientale, des centaines de millers d’Allemands sont morts de faim entre 1945 et 1948. Les Soviétiques et les Polonais refusaient d’aider les Allemands enfermés dans des camps. Ils se bornaient à les hisser sur toutes sortes de moyens de transport pour les envoyer vers l’Ouest. L’expulsion de près de cinq millions de personnes constitue la plus grande opération d’épuration ethnique de tous les temps.

 

Jetée dans les flots de la Memel

 

Liesabeth s’est alors introduite comme passager clandestin dans un train de marchandises qui roulait en direction de la Lithuanie. Pendant le long voyage, elle a mangé des petites boulettes qui avaient un drôle d’air et un goût bizarre. Sa faim était trop forte. Elle ne le savait pas, ne pouvait le savoir: c’était du crottin séché. A l’arrivée, elle est tombé inconsciente sur le quai. Un homme l’a prise en pitié et l’a amenée chez lui. L’épouse de ce brave homme s’est occupée d’elle, lui a coupé les cheveux qui étaient pleins de poux et a jeté au feu ses vêtements qui sentaient horriblement mauvais. Pendant un certain temps, tout alla bien avec Liesabeth. Jusqu’au jour où des gamins de rue l’ont attrapée et ont joué “P’tit Hitler” avec elle. Les enfants en général sont souvent très cruels avec les plus faibles et les plus jeunes d’entre eux. Cette cruauté a frappé Liesabeth, à l’âge de huit ans. Après que les sauvageons l’aient rouée de coups de poing et de pied, ils l’ont pendue et ils ont pris la fuite. Un passant, qui cheminait là par hasard, l’a sauvée de justesse d’une mort par strangulation. Plus tard, elle a souvent pensé que ce passant n’aurait jamais dû l’apercevoir. Tenaillée par la peur, elle n’a plus osé revenir au foyer de l’homme qui l’avait trouvée dans la gare et de la femme qui l’avait soignée.

 

Aussi solitaire qu’un loup, elle a erré pendant un certain temps dans la forêt. Un jour, la gamine fut battue presque à mort par un paysan parce qu’elle lui avait volé un poulet. Âgée de huit ans, elle fut violée une première fois puis enfermée dans un sac et jetée dans les flots de la rivière Memel. On la sauva une fois de plus.

 

Pendant quelques temps, elle a trouvé refuge chez un groupe de “Frères de la Forêt” —les “Frères de la Forêt” lithuaniens menaient une guerre de guérilla contre l’occupant soviétique— pour qui elle servait de courrier. Liesabeth, qui fut alors rebaptisée “Maritje”, fut bien traîtée par les résistants lithuaniens et reçut suffisamment à manger. En 1949, elle a dû abandonner ses protecteurs. La situation devenait trop dangereuse pour les “Frères de la Forêt” Ils ne pouvaient plus s’occuper des “enfants-loups” allemands qui se trouvaient parmi eux. Pendant de nombreuses années, d’anciens soldats allemands luttaient avec les Lithuaniens dans cette guerre de partisans.

 

Le Goulag

 

A la fin de 1949, les derniers Allemands de Prusse orientale furent déportés vers l’Ouest. Tous les Allemands devaient se rassembler en des lieux préalablement indiqués. Liesabeth voulait aller en Allemagne de l’Ouest. Des gens, qui lui voulaient du bien, la dissuadèrent d’entreprendre ce voyage. Les trains, disaient-ils, ne prendraient pas la direction de l’Allemagne mais de la Sibérie. Liesabeth, qui vient d’avoir onze ans, les croit et poursuit ses pérégrinations.

 

Pour avoir à manger, elle travaille dur dans des fermes. Parfois, elle vole. A quinze ans, elle est prise la main dans le sac et livrée à la milice soviétique. Les miliciens communistes ne montrèrent pas la moindre pitié et l’envoyèrent dans une prison pour enfants, à 400 km à l’Est de Moscou. Là-bas règnait la loi du plus fort. Les raclées et les viols étaient le lot quotidien des internés. Les autorités du camp laissaient faire. Liesabeth/Maritje tomba enceinte et donna son bébé à une détenue qui venait d’être libérée. Au bout de quelques jours, l’enfant mourut. Dès qu’elle eut fêté ses dix-huit ans, Liesabeth/Maritje fut expédiée au goulag, dans un camp pour dangereux criminels de droit commun. Elle y fut régulièrement rossée et violée. Elle donna la vie à une deuxième fille mais le bébé était trop faible et décéda dans le camp. Elle ne fut libérée qu’en 1965. Elle avait vingt-sept ans.

 

Cette femme, durcie par les privations, n’avait toutefois pas d’avenir. Qui irait donc embaucher une femme qui avait fait autant d’années de prison? Finalement, Liesabeth/Maritje trouve du travail au sein d’une “brigade de construction”, qu’on expédie à Bakou dans le Caucase. Les hommes considéraient que toutes les femmes étaient des prostituées. Pour échapper à cette suspicion permanente, elle se marie et donne naissance à une troisième fille, Elena. Mais le mariage ne dure pas longtemps. Liesabeth est souvent battue par son mari, qui, de surcroît, la traite, elle et sa fille, de “sales fascistes allemandes”. Après trois ans de mariage, c’est le divorce.

 

Epilogue à Widitten

 

L’heureux dénouement ne vint qu’en 1976. Grâce à une recherche menée par la Croix Rouge allemande, elle a pu reprendre contact avec son père et son frère Manfred. Après 31 ans de séparation, ce fut pour elle une émotion intense de retrouver son père et son frère à Braunschweig. Un interprète était présent. Liesabeth ne prononçait plus que quelques mots d’allemand, avec grande difficulté. Pourtant cette rencontre n’eut pas que des conséquences heureuses. Manfred n’était pas fort content de retrouver sa soeur. Pendant de nombreuses années, il avait vécu en pensant que sa soeur était morte. Or voilà qu’elle réémerge quasiment du néant et qu’il doit partager l’héritage paternel avec elle. Liesabeth ne se sent pas heureuse en Allemagne et repart avec sa fille Elena en Russie, où on l’insulte en permanence, où on la traite de “Boche” et de “fasciste”. En Allemagne, les voisins la désignaient sous le terme “Die Russin”, “la Russe”. Liesabeth/Maritje n’avait plus de nationalité...

 

Son père veilla toufois à ce qu’elle puisse acheter et meubler une petite maison avec un lopin de terre à Widitten en Prusse Orientale. Au début, elle se heurta à l’hostilité de ses voisins russes. La mère comme la fille étaient saluées chaque jour que Dieu fait par de vibrants “Heil Hitler!”. On maltraitait leurs animaux. Ce n’est qu’après l’implosion de l’URSS que leur situation s’est bien améliorée. En 1994, Liesabeth reçoit pour la première fois la visite d’Ingeborg Jacobs.

 

Des vois s’élèvent en Allemagne pour donner, au moins à une école, le nom d’un “enfant-loup” oublié, après 65 ans... Sera-ce fait?

 

Pieter AERENS.

(article paru dans “’t Pallieterke”, Anvers, 5 janvier 2011).

jeudi, 01 septembre 2011

Pour un grand empire turkmène contre Staline

Wolfgang KAUFMANN:

Pour un grand empire turkmène contre Staline

 

L’historien allemand Jörg Hiltscher a analysé les plans secrets des Turcs pendant la seconde guerre mondiale

 

seconde guerre mondiale, deuxième guerre mondiale, Turquie, panturquisme, pantouranisme, Proche Orient, Asie mineure, Asie, affaires asiatiques, Au début du mois de juillet 1942, tout semblait accréditer que la Wehrmacht allemande courait à la victoire définitive: l’Afrika Korps de Rommel venait de prendre Tobrouk et se trouvait tout près d’El Alamein donc à 100 km à l’ouest du Canal de Suez; au même moment, les premières opérations de la grande offensive d’été sur le front de l’Est venaient de s’achever avec le succès escompté: la grande poussée en avant en direction des champs pétrolifères de Bakou pouvait commencer. Tout cela est bien connu.

 

Ce qui est moins connu en revanche est un fait pourtant bien patent: au moment où les Allemands amorçaient leur formidable “Vormarsch” de l’été 42, un autre déploiement de troupes de grande envergure avait lieu au Sud-Ouest des frontières géorgiennes et arméniennes. Sur l’ordre du chef de l’état-major de l’armée turque, Fevzi Çakmak, 43 divisions, totalisant 650.000 hommes, avançaient vers les régions orientales de l’Anatolie. Il ne s’agissait évidemment pas de défendre l’intégrité territoriale de la Turquie contre une attaque potentielle de Staline car celui-ci ne pouvait opposer, dans la région transcaucasienne, que 80.000 soldats (dont des bataillons féminins et des milices arméniennes).

 

Çakmak agissait surtout comme un militant des cercles panturquistes, qui rêvaient d’une alliance avec les forces de l’Axe victorieuses, surtout l’Allemagne et le Japon, pour réaliser leurs propres ambitions de devenir une grande puissance. Ces ambitieux étaient grandes, et même fort grandes, comme l’atteste une note des affaires étrangères de Berlin, rédigée après une conversation avec le panturquiste Nouri Pacha: “De tous les territoires jusqu’ici soviétiques, ils revendiquent en premier lieu l’Azerbaïdjan et le Daghestan située au nord de ce dernier; ensuite, ils réclament la Crimée, de même que toutes les régions situées entre la Volga et l’Oural”. Une revendication complémentaire concernait “le Turkestan, y compris la partie occidentale de l’ancien Turkestan oriental, appartenant officiellement à la Chine mais se trouvant actuellement sous influence soviétique”. En plus de tout cela, Nouri réclamait “les régions peuplées d’ethnies turcophones dans la partie nord-occidentale de l’Iran, jusqu’à la ville d’Hamadan et une bande territoriale frontalière dans le nord de la Perse, depuis la pointe sud-orientale de la Mer Caspienne le long de l’ancienne frontière soviétique”. Nouri n’oubliait pas non plus de revendiquer “la région irakienne de Kirkouk et Mossoul”, de même “qu’une bande territoriale située dans le protectorat français de Syrie”.

 

En tentant de créer un grand empire de cette ampleur, la Turquie se serait bien entendu placée entre toutes les chaises... D’une part, elle serait entrée en conflit avec l’Allemagne et avec le Japon, parce que Berlin et Tokyo briguaient certaines de ces régions. D’autre part, tout ce projet constituait une déclaration de guerre implicite à l’URSS et à la Grande-Bretagne. Pour cette raison, il s’est tout de suite formé à Ankara une forte opposition aux aventuriers panturquistes, regroupés autour de Çakmak et du Premier Ministre Refik Saydam, surtout que plusieurs indices laissaient accroire qu’ils préparaient un putsch pour s’emparer de tout le pouvoir.

 

Cette situation explique pourquoi Saydam, dans la nuit du 7 au 8 juillet 1942 a eu une soudaine et très mystérieuse “crise cardiaque”, qui le fit passer de vie à trépas, et que son ministre de l’intérieur et chef des services secrets, Fikri Tuzer, qui partageait la même idéologie, a connu le même sort, quelques jours plus tard. A la suite de ces deux “crises cardiaques” providentielles, le Président anglophile et neutraliste, Ismet Inönü, fut en mesure de chasser tous les autres panturquistes du cabinet et d’isoler Çakmak. Ensuite, Inönü annonça lui-même officiellement devant la grande assemblée nationale turque qu’il disposait des moyens nécessaires pour éliminer les orgueilleux qui nuisaient aux intérêts de la Turquie.

 

Ces événements sont étonnants à plus d’un égard: si les panturquistes avaient réussi leur coup, ils auraient peut-être pu changer le cours de la guerre car la Turquie, pendant l’été 1942, disposait d’une armée d’1,2 million d’hommes, et étaient par conséquent le poids qui aurait pu faire pencher la balance. Pourtant l’historiographie a généralement ignoré ces faits jusqu’ici;  ce qui est encore plus étonnant, c’est que Hitler n’a pas appris grand chose de cette lutte pour le pouvoir à Ankara. Le Führer du Troisième Reich n’a pas été correctement informé des vicissitudes de la politique turque parce que les quatorze (!) services de renseignement allemands qui s’occupaient de glaner des informations sur la Turquie se sont montrés totalement inefficaces.

 

Le travail de l’historien Jörg Hiltscher mérite dès lors un franc coup de chapeau. Sa thèse de doctorat est enfin publiée; elle concerne, comme nous venons de le voir, la politique intérieure et extérieure de la Turquie pendant la seconde guerre mondiale. Elle démontre aussi l’inefficacité de la direction nationale-socialiste face aux questions turques. La façon de travailler de Hiltscher mérite d’être évoquée dans cette recension: notre historien a fourni un effort sans pareil, lui qui travaille dans le secteur privé; il a dépouillé et exploité près de 200.000 documents, sans avoir jamais reçu le moindre centime d’une instance publique ou d’un quelconque autre mécène. Ce qui nous laisse aussi pantois, c’est la rigueur et l’acribie avec lesquelles il a dressé un synopsis du chaos que représentait les services de renseignements du Troisième Reich. Il est le seul à l’avoir fait jusqu’ici.

 

Face à l’intensité de ce travail, nous pouvons affirmer que le titre de la thèse de Hiltscher est un exemple d’école de modestie exagérée car jamais il ne dévoile à ses lecteurs le caractère inédit et unique de ses recherches. La retenue dont Hiltscher fait preuve contraste avec l’emphase dont font montre certains historiens universitaires fats, comme Peter Longerich, qui ressassent éternellement les mêmes banalités et puisent toujours aux mêmes sources (cf. “Junge Freiheit”, n°14/2011) mais vendent leurs recherches comme de formidables exploits scientifiques ouvrant des pistes nouvelles.

 

Wolfgang KAUFMANN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, n°33/2011; http://www.jungefreiheit.de/ ).

mardi, 30 août 2011

Hommage à Paul Jamin (1911-1995)

Picard/’t Pallieterke:

Hommage à Paul Jamin (1911-1995)

 

A l’occasion du centenaire de sa naissance

 

dupont.jpgL’un des derniers numéros du journal satirique bruxellois “Père Ubu/Pan” (11 août 2011) comprenait un encart fort intéressant: quatre pages consacrées à Paul Jamin (1911-1995), qui fut, pendant de longues décennies, le principal caricaturiste de “Pan” d’abord, de “Père Ubu” ensuite. Aujourd’hui les deux feuilles ont fusionné pour devenir “Ubu/Pan”, le seul hebdomadaire satirique de droite en Belgique francophone (et les critiques acerbes de cette feuille disent qu’elle est “islamophobe”). Paul Jamin a été indubitablement l’un des meilleurs caricaturiste dans la Belgique d’après guerre.

 

C’est parce qu’on célèbre le centième anniversaire de sa naissance qu’“Ubu/Pan” a voulu attirer l’attention de ses lecteurs. Jamin était natif de Liège. Sa biographie peut se lire en parallèle avec la période la plus effervescente de l’histoire au 20ème siècle. Jamin et sa famille émigrèrent assez tôt à Bruxelles. Au départ, il ne semblait pas prédestiné au dessin. A l’école, les résultats qu’il obtenait dans cette branche étaient au mieux “bons”. Jamin avait toutefois des talents cachés. Il avait à peine dix-sept ans quand il fut impliqué dans le lancement du supplément-jeunesse du quotidien catholique de droite “Le Vingtième Siècle”. Pour ceux qui connaissent bien l’univers de la bande dessinée, ce supplément-jeunesse, baptisé “Le Petit Vingtième”, est une référence. Car c’est dans cet encart que furent publiées les premières aventures de Tintin. Jamin et Georges Remi (alias “Hergé”) étaient tous deux des protégés du charismatique Abbé Norbert Wallez, patron du “Vingtième Siècle”. Le journal étaient d’obédience conservatrice et autoritariste, résolument catholique, et cultivait une sympathie certaine pour le régime de Benito Mussolini en Italie.

 

On ne doit pas sous-estimer l’influence de Paul Jamin sur “Le Petit Vingtième”. Trop d’analystes de cette époque font l’équation entre cet encart destiné à la jeunesse et Hergé mais il ne faut pas oublier que ce fut Jamin qui patronna la naissance de Quick et Flupke et fut l’inspirateur de leurs innombrables gags. Il y a plus à dire encore à ce propos: au moins un biographe d’Hergé signale, en conclusion, que c’est grâce à Jamin que des personnages comme les Dupont/Dupond n’ont pas disparu des aventures de Tintin. Hergé voulait les supprimer mais Jamin a pu le convaincre de ne pas le faire.

 

Bon élève de l’Abbé Wallez, Jamin n’était pas insensible au charme des idées d’Ordre Nouveau. On ne s’étonnera pas, dès lors, qu’en 1936, il ait abandonné “Le Petit Vingtième” pour rejoindre “Le Pays Réel”, le journal de combat de Rex et de son leader flamboyant, Léon Degrelle. Jamin et Degrelle sont alors devenus amis pour la vie. Jamin publia dans “Le Pays Réel” quantité de caricatures sous le pseudonyme de “Jam”. N’oublions pas que Rex, à ce moment-là, était un jeune mouvement politique encore très proche de l’aile droite du “pilier catholique” et de l’Action catholique. Ce n’est que lorsque le Cardinal Van Roey estima que c’était péché de voter pour les listes de Rex que le mouvement bascula dans la marginalité (“Il essaie de me crosser” disait Degrelle).

 

Mais Jamin est toujours resté fidèle à Degrelle. Y compris lorsque ce dernier s’est rapproché de l’occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale. Jamin appartenait aux cercles d’Ordre Nouveau qui demeuraient “belgicains”. Dans le petit univers médiatique francophone de Belgique, ces groupes de la collaboration belgicaine ont été délibérément effacés des mémoires. Jamin, qui en faisait partie, estimait, tout comme le Roi Léopold III et son entourage d’ailleurs, que le salut pouvait venir d’une nouvelle Europe sous domination allemande. Aux yeux de Jamin, il fallait essayer de tirer le meilleur profit de cette situation. “Jam” ne se contenta pas dès lors du seul “Pays réel” mais dessina aussi ses caricatures mordantes pour “Le Soir” (alors sous contrôle allemand), pour “Le Nouveau Journal” (de Robert Poulet) et pour le “Brüsseler Zeitung”. On n’insistera jamais assez sur le fait que les collaborateurs du “Nouveau Journal” de Poulet étaient convaincus qu’ils plaidaient pour une “politique d’accomodement” avec les nationaux-socialistes, avec l’approbation du Palais de Laeken.

 

Après l’entrée des troups anglaises dans Bruxelles en septembre 1944, on n’a tenu compte d’aucune de ces nuances: Jamin fut arrêté et condamné à mort. Il échappa au peloton d’exécution mais ne fut libéré qu’en 1952. Il reprit une carrière de caricaturiste sous le pseudo d’”Alidor” dans les colonnes du journal satirique “Pan”. Tout comme dans “’t Pallieterke”, le journal satirique anversois, les figures politiques qu’étaient Achiel Van Acker, Paul-Henri Spaak, Théo Lefebvre et Gaston Eyskens constituaient les principales têtes de Turc. “Alidor” commit aussi des dessins pour le “Standaard”, “De Vlaamse Linie” et “Trends”. On ne peut affirmer avec certitude s’il a été engagé dans ces deux dernières publications par le Sénateur Lode Claes (Volksunie) qui avait son mot à dire dans chacune d’elles.

 

On remarquera que Jamin ornait toujours sa signature “Alidor” d’une petite couronne. C’est une allusion à Léopold III, prétend aujourd’hui “Ubu/Pan”. Alidor était un léopoldiste convaincu mais après la guerre et la question royale, il ressentait une réelle frustration: Léopold III, à ses yeux, avait laissé froidement tomber les hommes qui l’avaient soutenu.

 

Jamin n’a jamais pris ses distances par rapport à Léon Degrelle. Il allait régulièrement lui rendre visite dans son exil espagnol. Il faut encore mentionner que Jamin a quitté “Pan” en 1990 parce qu’il n’était pas d’accord avec le nouveau propriétaire de la feuille, Stéphane Jourdain. Au cours des dernières années de sa vie, Jamin a donc dessiné pour “Père Ubu”, un journal qu’il a fondé avec son ami Henri Vellut (qui, pendant la campagne des Dix-Huit Jours, en mai 1940, avait perdu un oeil). En 2010, quinze ans après sa mort, “Pan” et “Père Ubu” ont fusionné.

 

PICARD/ ’t Pallieterke.

(texte paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 24 août 2011).

 

 

lundi, 29 août 2011

Août 1941: violation de la neutralité iranienne

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Anton SCHMITT:

Août 1941: violation de la neutralité iranienne

 

Tous ceux qui réfléchissent aujourd’hui aux positions politiques que prend l’Iran et s’en étonnent, devraient étudier l’histoire récente de ce grand pays du Moyen Orient qui, depuis près de deux siècles, n’a jamais cessé d’être le jouet de ses voisins et des grandes puissances mondiales. La haute considération dont bénéficie l’Allemagne en Iran —en dépit de la politique désastreuse actuellement suivie par la Chancelière Merkel— ne dérive pas d’un “antisémitisme foncier” que les médiats attribuent plutôt à tort à la population iranienne mais provient surtout du fait que l’Allemagne n’a jamais tenté de se soumettre l’Iran.

 

Les puissances qui se sont attaquées à la souveraineté iranienne sont la Grande-Bretagne, la Russie et les Etats-Unis, qui, tous, ont été des adversaires de l’Allemagne au cours des deux guerres mondiales.

 

Le 25 août 1941, à 4 h 30 du matin, les Soviétiques et les Britanniques amorcent les hostilités avec l’Iran. Quelques minutes auparavant, les ambassadeurs Simonov et Bullard avaient transmis une note qui annonçait la décision de  leurs gouvernements respectifs. Cette note évoquait l’amitié que Soviétiques et Britanniques éprouvaient à l’endroit du peuple iranien, qu’ils entendaient désormais libérer de l’influence des “agents allemands”.

 

Quelques jours auparavant, le gouvernement iranien, qui percevait la menace, avait, dans son désarroi, demandé l’aide des Etats-Unis. Franklin Delano Roosevelt répond à l’appel des Iraniens le 22 août 1941 en adoptant un ton incroyablement cynique: il prétend que les bruits circulant à propos d’une invasion de l’Iran, qui aurait été dûment planifiée par les Soviétiques et les Britanniques, sont dépouvus de véracité et qu’il n’a rien appris de semblables projets. En fait, Roosevelt s’exprimait exactement de la même manière que Walter Ulbricht, lorsqu’on lui posait des questions sur l’imminence de la construction du Mur de Berlin en 1961.

 

Comme Churchill avait contribué à décimer l’armée de terre britannique au cours des campagnes menées dans le Nord de la France, en Grèce et en Libye, les Britanniques ne pouvaient plus aligner que des troupes coloniales de seconde voire de tierce catégorie, recrutées surtout en Inde. Les Soviétiques n’éprouvaient pas les mêmes difficultés. La manière dont l’attaque contre l’Iran fut perpétrée démontre que les agresseurs ne faisaient pas grand cas du droit de la guerre. Tandis que la Wehrmacht allemande avait demandé, avant d’entamer les hostilités, aux Danois et aux Norvégiens de capituler, les Britanniques, eux, n’ont pas accordé la moindre chance aux Iraniens à Khorramshar; ils ont ouvert le feu sans faire le détail, détruisant les casernes où les soldats du Shah dormaient encore.

 

Suite à l’invasion, l’Iran fut partagé en plusieurs “zones”. Les Américains, accourus à l’aide, ont remplacé les Anglais et fourni, pour leur zone, des troupes d’occupation. Les Américains se sont mis aussitôt à construire des routes et des voies de chemin de fer. C’est ainsi que s’est constitué toute une logisitique permettant de fournir matériels et approvisionnements américains aux Soviétiques. Au cours des années 1942/1943, 23% des aides américaines à l’URSS de Staline passaient par l’Iran. L’issue de la bataille de Stalingrad en a indubitablement dépendu. Après la guerre, les occupants ont lourdement facturé à l’Iran la construction de ces infrastructures, qu’ils avaient entreprise pour le bénéfice de leur propre guerre.

 

Le Shah, père du dernier Empereur Pahlevi, avait été jugé trop récalcitrant: les occupants ont dès lors exigé son abdication, peu de temps après l’invasion. Son fils monte sur le trône. Les “agents allemands”, qui avaient servi de prétexte à l’agression, existaient réellement. Quelques rares représentants de la fameuse Division “Brandenburg” ont bien tenté d’organiser la résistance iranienne, mais leurs actions n’eurent guère d’effets sur le plan militaire. En 1944, le père du dernier Shah meurt dans son exil sud-africain. Après la fin des hostilités, les occupants ne s’empressent pas de partir. Les Soviétiques tentent, avec l’appui d’un parti communiste rigoureusement bien organisé, de prendre le pouvoir réel en Iran, selon le même scénario mis au point en Tchécoslovaquie et appliqué avec le succès que l’on sait dans ce pays d’Europe centrale. Les Britanniques, eux, se contentaient, d’exploiter les puits de pétrole iraniens.

 

Dans le passé, bon nombre de grandes puissances, lorsque surgissaient des conflits, n’éprouvèrent que peu de respect pour la souveraineté des Etats neutres. Lors de la première guerre mondiale, les grandes puissances n’ont pas hésité à bafouer les droits des puissances de moindre envergure. Cela ne concerne pas seulement la Belgique et le Luxembourg, dont la neutralité fut violée par l’Allemagne en 1914, mais aussi la Grèce que la France et la Grande-Bretagne contraignirent à accepter leurs conditions en 1916.

 

Anton SCHMITT.

(article publié dans “zur Zeit”, Vienne, n°34/2011; http://www.zurzeit.at/ ).

vendredi, 10 juin 2011

1940: l'autre uchronie

1940 : l’autre uchronie

par Noël RIVIÈRE

L’uchronie est l’histoire fictive de possibilités historiques non advenues. Elle aide à comprendre ce qui a réellement eu lieu en poussant les logiques des autres scénarios envisageables tout en respectant une certaine vraisemblance. Les uchronies sont de plus en plus l’objet de travaux. L’un des derniers en date est celui de Jacques Sapir sur le thème « Et si la France n’avait pas signé l’armistice de 1940 et avait continué la guerre ? » C’est le What if : que se serait-il passé si… Les uchronies nécessitent de tenir compte des informations dont disposaient les protagonistes au moment des faits.

Il est en ce moment à la mode de dérouler un scénario à propos de la guerre de 39-45 : Et si la France avait continué la guerre ? (Jacques Sapir et aa, Taillandier, 2010).

Pierre Clostermann lui-même avait défendu l’idée que les forces français en Afrique du nord, en 1940 auraient permis de continuer la guerre. Reste à savoir pour quel résultat. Un résultat qui aurait peut-être au final été particulièrement favorable à l’Allemagne. Explications.

Supposons donc une absence d’armistice le 22 juin 1940.

Fin juin, les Allemands sont à Marseille, Nice, Perpignan et sur la côte basque. Compte tenu de leur maîtrise de l’air, ils investissent la Corse sans grande difficulté et obligent bien avant cela la flotte française à se replier en Algérie, sauf destruction totale ou partielle comme celle qu’a connue la flotte italienne face aux Anglais dans le golfe de Tarente, en 1940, voire au cap Matapan, en 1941, toujours face à l’aviation anglaise. À partir de là, les Français continuant la guerre, les Allemands n’eussent eu d’autres choix que de les poursuivre en Afrique du Nord. On lit parfois le propos comme quoi les Allemands n’ont même pas pu franchir la Manche ou le Pas de Calais et que donc ils auraient été bien en peine de franchir la Méditerranée. Cela n’a rien à voir. Derrière la Manche, il y a avait une nation industrielle de cinquante millions d’habitants. En Algérie – l’A.F.N., c’était essentiellement l’Algérie – il y avait sept millions d’habitants dont moins d’un million de Pieds-Noirs. Peu d’industrie et presque pas de pièces de rechanges pour les armes. Autant dire que les Allemands auraient pu débarquer sans se heurter à une résistance comparable à celle de la Royal Air Force au-dessus de la côte anglaise en août-septembre 1940.

Mais surtout ils avaient l’alliance italienne. Un débarquement à Tunis aurait été à une extrême proximité de la Sicile – et les Allemands ont réussi ce débarquement alors qu’étaient proches les flottes américaines et anglaises, en novembre 1942, et alors qu’ils avaient d’autres priorités sur le front de l’Est. Quand bien même ce débarquement eut présenté des difficultés qu’ils eussent voulu contourner, il leur suffisait de faire, dès juillet 1940, ce qu’ils ont fait en février 41 pour soutenir l’Italie, à savoir débarquer quelques divisions à Tripoli. De là, ils pouvaient rapidement gagner la Tunisie et la conquérir (elle aurait fait l’objet d’un « don » à l’Italie qui n’avait cessé de la revendiquer depuis 1936). La question du ravitaillement de leurs troupes aurait été considérablement simplifiée, puisque Malte tenue par les Anglais se trouvait sur la route Sicile – Libye mais pas sur la route Sicile – Tunisie.

En outre le contrôle de la Tunisie et de la Libye aurait tellement isolé Malte que sa conquête serait devenue possible, bien que sans doute coûteuse. Avec cinq ou six divisions, les Allemands auraient pu, de Tunis conquérir l’Algérie jusqu’à la frontière du Maroc espagnol sans grandes difficultés. La flotte française n’aurait eu comme possibilité d’échapper à la destruction, compte tenu de l’impossibilité pour les forces aériennes françaises en A.F.N. de la protéger, que de se replier vers Dakar. Compte tenu de l’étirement des lignes de communication des Allemands, il est bien possible que le Maroc aurait représenté le point ultime de leur expansion à l’Ouest de l’Afrique. L’A.O.F. et l’A.E.F. serait restés à la France résistante, avec l’appui de la flotte britannique, d’une partie de son aviation, et aussi sans doute avec un gros appui matériel américain, sinon un appui directement militaire impliquant la belligérance. Mais cet appui n’aurait pas été instantané compte tenu des délais de la montée en charge de l’industrie américaine (plutôt 1941 que 1940).

À partir de la conquête du Maroc français, la position britannique de Gibraltar aurait été isolée. Elle serait restée tenable si l’Espagne était restée neutre mais facilement neutralisée par l’aviation allemande. Quant à l’Espagne justement, qu’aurait-elle fait ? Franco était très prudent mais l’Allemagne installée militairement au Maroc, grande aurait été sa tentation d’entrer en guerre du côté de l’Axe, avec comme condition l’acquisition par l’Espagne du Maroc français. En tout cas, même restée neutre, l’Espagne aurait dû (comment les refuser sans le risque que l’Allemagne fomente un coup d’État à Madrid, appuyé sur les plus pro-allemands des phalangistes ?) accorder des facilités militaires à l’Allemagne et peut-être le passage vers Gibraltar (via Perpignan ou tout simplement via le Maroc espagnol) pour son démantèlement comme base anglaise. En tout état de cause, l’Allemagne aurait pu disposer de bases navales utiles pour ses sous-marins sur la côte Atlantique du Maroc.

Et pendant ce temps-là en Égypte ? Il n’y a pas de raison de changer quelque chose à l’histoire réelle ici, à savoir que les Anglais, supérieurs aux Italiens en organisation, en matériel, voire en moral des troupes auraient mis en difficulté les troupes de Mussolini, d’autant plus que une fois les Allemands engagés contre la France en Afrique du Nord, l’enjeu de celle-ci aurait été plus fort encore et que les Anglais auraient été sans doute offensifs en Libye et d’abord en Cyrénaïque pour soulager le mieux possible les Français face à l’attaque allemande en Tunisie et en Algérie. Mais là encore, il eut suffit de quelques divisions (l’Africa Korps n’en avait que trois début 41) pour arrêter les Anglais, voire pour les rejeter sur le canal de Suez. Et dans la réalité, rappelons que la contre-offensive anglaise face aux Italiens n’intervient qu’en décembre 1940. Mettons que six divisions eussent été nécessaires pour, dès le dernier trimestre 1940, conquérir l’Égypte et lui donner une indépendance confiée bien sûr à des pro-allemands. Nous sommes à six divisions allemandes donc en Afrique du Nord à l’Est, et autant à l’Ouest, voire dix divisions à l’Ouest (face aux Français). Ce n’était pas au-dessus des moyens des Allemands.

Dans ces conditions, que pouvait-il advenir de Malte ?

Malte, loin de toute position alliée après une poussée allemande sauvant la Cyrénaïque des Anglais – au minimum – voire conquérant l’Égypte, et à l’Ouest, après la conquête allemande de la Tunisie et de l’Algérie, Malte, bien que solidement défendue, pouvait être conquise, comme l’a été la Crête dans des conditions plus difficiles, car la Crête était à proximité de l’Égypte où se trouvait les forces aériennes et navales britanniques. Une fois l’Égypte conquise et là encore quelles que soient les qualités militaires des Anglais, ils n’étaient pas en position de faire face à six divisions allemandes et à une forte aviation (qui bien entendu n’aurait pas été engagée dans une inutile bataille d’Angleterre), les Allemands pouvaient avancer vers la Palestine et conquérir la Syrie. Ils se trouvaient alors à proximité de l’Irak et de ses activistes indépendantistes et pro-allemands (voir la tentative de Rachid Ali en avril 1941) et pouvaient les soutenir. En complément, ils isolaient Chypre et pouvaient y débarquer (là encore peut-on douter de leur capacité à ce genre d’opération quand on voit, dans un contexte très dégradé pour eux, leur conquête-éclair du Dodécanèse en octobre-novembre 43 ?). C’est alors toute la Méditerranée orientale qui eut été entre les  mains des Allemands ainsi que la Méditerranée occidentale si l’Algérie avait aussi été conquise (et comment aurait elle pu ne pas l’être compte tenu de la faiblesse des Français en A.F.N., non ravitaillés par la Métropole ?)

Les Allemands pouvaient aussi, après ou en même temps,  avec trois ou quatre divisions supplémentaires (il faut tenir compte des forces d’occupation et de contrôle des territoires déjà occupés même si les populations y auraient été plutôt pro-allemandes) descendre la vallée du Nil, prendre Khartoum et Port-Soudan et ainsi, en établissant la liaison avec l’Afrique orientale italienne, empêcher sa conquête par les Britanniques qui a commencé en mars 1941. Le premier problème des Allemands aurait été le manque de camions, mais ils auraient pu réquisitionner tous les camions français sans entraves en l’absence d’armistice.

Une chronologie uchronienne

• 30 juin 1940 : fin de l’occupation de toute la France métropolitaine.

• 7 juillet : occupation de la Corse à partir de l’Italie et de Nice.

• 1er août : débarquement à Tunis (à partir du sud de l’Italie) avec l’appui des Italiens ou débarquement à Tripoli de cinq ou six divisions allemandes marchant vers Tunis.

• 10 août : jonction avec les Italiens de Tripolitaine dans l’hypothèse de débarquement direct à Tunis ou prise de Tunis dans l’autre cas.

• 15 août : prise du port de Bône.

• 20 août : prise d’Alger.

• 25 août : prise d’Oran et de Mers El-Kebir.

• 27 août : arrivée à la frontière du Maroc espagnol.

• 1er septembre : prise de Fès au Maroc.

• 5 septembre : prise de Rabat et de Casablanca.

On peut supposer au mieux que les Français réussissent à résister au sud du Maroc, vers Marrakech. L’armée et surtout l’aviation allemande atteint ses limites logistiques, pour l’instant les Allemands ne poussent pas plus loin.

• 6 septembre : début de l’offensive allemande pour la conquête de l’Égypte.

• 20 septembre : prise du Caire.

• 30 septembre : achèvement de la conquête de l’Égypte.

• 30 octobre : attaque du Soudan.

• 25 novembre : jonction avec les Italiens d’Érythrée et d’Éthiopie. Installation de bases de sous-marins dans l’océan Indien, notamment en Somalie.

Un tel scénario eut nécessité quelques vingt-cinq divisions engagées hors d’Europe. L’effort n’impliquait donc nullement de dégarnir le continent européen. Mais, par contre, il eut amené un changement complet de vision et eut nécessité même ce changement de vision. Il s’agissait alors de rompre avec les ambitions néo-coloniales en Europe même : espace vital au détriment des Russes et des Ukrainiens, réduction des Slaves en esclavage. À l’inverse, cela eut été l’adoption d’une véritable politique mondiale. Objectif : non pas la conquête totale du monde, mais un contrepoids réel aux puissances thalassocratiques. Non pas s’enfermer dans une forteresse Europe mais lui donner de l’air par des débouchés vers les grands océans (Maroc pour l’Atlantique, Somalie pour l’océan Indien, voire Madagascar plus tard…), liaisons avec le Japon, contrôle complet de la Méditerranée et éviction de la Grande-Bretagne de ce grand lac où elle n’a rien à faire du point de vue continental européen, politique pro-arabe et post-coloniale de transition des peuples vers l’indépendance dans la coopération avec l’Europe.

Au-delà des perspectives ouvertes par cette histoire virtuelle, il reste une quasi-certitude : l’Allemagne a beaucoup perdu à l’Armistice de juin 40, elle s’est enfermée dans une victoire strictement continentale en s’interdisant une politique réellement mondiale, anticipant sur les risques futurs d’entrée en guerre des États-Unis en prenant des gages en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, vers la Mésopotamie, et jusqu’au Soudan et l’océan Indien. Quelle chance pour l’Allemagne si… la France avait voulu continuer la guerre en 1940 !

Noël Rivière


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dimanche, 22 mai 2011

Präventivschlag Barbarossa

Präventivkrieg Barbarossa Stefan Scheil
Präventivkrieg Barbarossa
Fragen, Fakten, Antworten
                
Band 26 der Reihe
Kaplaken.
96 Seiten, kartoniert, fadengeheftet, 8.50 €

ISBN: 978-3-935063-96-8
8,50 EUR
incl. 7 % UST exkl. Versandkosten

Der Historiker Stefan Scheil ist einer der besten Kenner der Diplomatiegeschichte zwischen 1918 und 1945. In mehreren Büchern hat er Entfesselung und Eskalation des II. Weltkriegs analysiert und der platten These widersprochen, Deutschland sei alleinverantwortlich für dessen Ausbruch und Ausweitung. Im vorliegenden kaplaken faßt Scheil seine Studien zum deutschen Angriff auf die Sowjetunion im Jahr 1941 zusammen. Er stellt und beantwortet die Frage, ob es sich um einen Überfall oder einen Präventivkrieg gehandelt habe. Scheil geht in seiner Argumentation von vier Bedingungen aus, die jeden Präventivkrieg grundsätzlich kennzeichnen, und legt sie als Maßstab an das „Unternehmen Barbarossa“ an.

 

 

Scheils Untersuchung mündet in über 50 Fragen, die jeder aufmerksame Leser selbst beantworten kann, bevor Scheil die Antwort gibt. Wer die Argumentation nachvollzieht, wer die Äußerungen und Planungen von sowjetischer Seite liest und den geheimen Aufmarsch der Roten Armee an der Westgrenze Rußlands zur Kenntnis nimmt, kann zuletzt Scheils Fazit nur zustimmen: „Wenn das Unternehmen Barbarossa nicht als Präventivkrieg eingestuft werden kann, hat der Begriff Präventivkrieg seinen Sinn überhaupt verloren.“

 

 

samedi, 21 mai 2011

Croatie 1945: une nation décapitée

Christophe Dolbeau:

 

Croatie 1945: une nation décapitée

 

bleiburg.jpgParticulièrement impitoyable, la guerre à laquelle fut confronté l’État Indépendant Croate entre 1941 et 1945 s’est achevée, en mai 1945, par l’ignoble massacre de Bleiburg (1). Tueries massives de prisonniers civils et militaires, marches de la mort, camps de concentration (2), tortures, pillages, tout est alors mis en œuvre pour écraser la nation croate et la terroriser durablement. La victoire militaire étant acquise (3), les communistes entreprennent, en effet, d’annihiler le nationalisme croate : pour cela, il leur faut supprimer les gens qui pourraient prendre ou reprendre les armes contre eux, mais aussi éliminer les « éléments socialement dangereux », c’est à dire la bourgeoisie et son élite intellectuelle « réactionnaire ». Pour Tito et les siens, rétablir la Yougoslavie et y installer définitivement le marxisme-léninisme implique d’anéantir tous ceux qui pourraient un jour s’opposer à leurs plans (4). L’Épuration répond à cet impératif : au nom du commode alibi antifasciste, elle a clairement pour objectif de décapiter l’adversaire. Le plus souvent d’ailleurs, on ne punit pas des fautes ou des crimes réels mais on invente toutes sortes de pseudo délits pour se débarrasser de qui l’on veut. Ainsi accuse-t-on, une fois sur deux, les Croates de trahison alors que personne n’ayant jamais (démocratiquement) demandé au peuple croate s’il souhaitait appartenir à la Yougoslavie, rien n’obligeait ce dernier à lui être fidèle ! Parallèlement, on châtie sévèrement ceux qui ont loyalement défendu leur terre natale, la Croatie.   De nouvelles lois permettent de s’affranchir des habituelles lenteurs judiciaires : lorsqu’on n’assassine pas carrément les gens au coin d’un bois, on les défère devant des cours martiales qui sont d’autant plus expéditives que les accusés y sont généralement privés de défense et contraints de plaider coupable…

 

Émanant d’un pouvoir révolutionnaire, aussi illégal qu’illégitime, cette gigantesque purge n’est pas seulement une parodie de justice mais c’est aussi une véritable monstruosité : en fait, on liquide des milliers d’innocents, uniquement parce qu’ils sont croates ou parce qu’on les tient pour idéologiquement irrécupérables et politiquement gênants. Au démocide (5) aveugle et massif qu’incarnent bien Bleiburg et les Marches de la Mort s’ajoute un crime encore plus pervers, celui que le professeur Nathaniel Weyl a baptisé aristocide et qui consiste à délibérément priver une nation de son potentiel intellectuel, spirituel, technique et culturel (« J’ai utilisé ce terme (aristocide) », écrit l’universitaire américain, « pour évoquer l’extermination de ce que Thomas Jefferson appelait ‘l’aristocratie naturelle des hommes’, celle qui repose sur ‘la vertu et le talent’ et qui constitue ‘le bien le plus précieux de la nature pour l’instruction, l’exercice des responsabilités et le gouvernement d’une société’. Jefferson estimait que la conservation de cette élite était d’une importance capitale »)-(6). Dans cette perspective, les nouvelles autorités ont quatre cibles prioritaires, à savoir les chefs militaires, les leaders politiques, le clergé et les intellectuels.

 

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Delenda est Croatia

 

            Au plan militaire et contrairement à toutes les traditions de l’Europe civilisée, les communistes yougoslaves procèdent à l’élimination physique de leurs prisonniers, surtout s’ils sont officiers. Pour la plupart des cadres des Forces Armées Croates, il n’est pas question de détention dans des camps réservés aux captifs de leur rang, comme cela se fait un peu partout dans le monde (et comme le faisait le IIIe Reich…). Pour eux, ce sont des cachots sordides, des violences et des injures, des procédures sommaires et au bout du compte, le gibet ou le poteau d’exécution. Il n’y a pas de circonstances atténuantes, aucun rachat n’est offert et aucune réinsertion n’est envisagée. Près de 36 généraux (7) sont ainsi « officiellement » liquidés et une vingtaine d’autres disparaissent dans des circonstances encore plus obscures. Colonels, commandants, capitaines, lieutenants et même aspirants – soit des gens d’un niveau culturel plutôt plus élevé que la moyenne – font l’objet d’un traitement spécialement dur et le plus souvent funeste. De cette façon, plusieurs générations de gens robustes et éduqués sont purement et simplement supprimées. Leur dynamisme, leur courage et leurs capacités feront cruellement défaut…

 

            Vis-à-vis du personnel politique non-communiste, les méthodes d’élimination sont tout aussi radicales. Les anciens ministres ou secrétaires d’État de la Croatie indépendante, tout au moins ceux que les Anglo-Saxons veulent bien extrader (8), sont tous rapidement condamnés à mort et exécutés (9). Les « tribunaux » yougoslaves n’établissent pas d’échelle des responsabilités et n’appliquent qu’une seule peine. Disparaissent dans cette hécatombe de nombreux hommes cultivés et expérimentés, certains réputés brillants (comme les jeunes docteurs Julije Makanec, Mehmed Alajbegović et Vladimir Košak), et dont beaucoup, il faut bien le dire, n’ont pas grand-chose à se reprocher. Leur honneur est piétiné et la nation ne bénéficiera plus jamais de leur savoir-faire. (Remarquons, à titre de comparaison, qu’en France, la plupart des ministres du maréchal Pétain seront vite amnistiés ou dispensés de peine). La même vindicte frappe la haute fonction publique : 80% des maires, des préfets et des directeurs des grands services de l’État sont assassinés, ce qui prive ex abrupto le pays de compétences et de dévouements éprouvés. On les remplacera au pied levé par quelques partisans ignares et l’incurie s’installera pour longtemps.  Moins brutalement traités (encore que plusieurs d’entre eux se retrouvent derrière les barreaux, à l’instar d’August Košutić ou d’Ivan Bernardic) mais tenus pour de dangereux rivaux, les dirigeants du Parti Paysan sont eux aussi irrémédiablement exclus de la scène politique ; leur formation politique, la plus importante du pays, est dissoute, tout comme les dizaines de coopératives et d’associations, sociales, culturelles, syndicales ou professionnelles, qui en dépendent… Coupé de ses repères traditionnels, le monde rural est désormais mûr pour la socialisation des terres et pour les calamiteuses « zadrougas » que lui impose l’omnipotente bureaucratie titiste.

 

Mort aux « superstitions »   

 

            Convaincus en bons marxistes que la religion est une superstition et que c’est bien « l’opium du peuple », les nouveaux dirigeants yougoslaves témoignent à l’égard des églises d’une hargne morbide. Les deux chefs de l’Église Orthodoxe Croate, le métropolite Germogen et l’éparque Spiridon Mifka sont exécutés ; âgé de 84 ans, le premier paie peut-être le fait d’avoir été, autrefois, le grand aumônier des armées russes blanches du Don… Du côté des évangélistes, l’évêque Filip Popp est lui aussi assassiné ; proche des Souabes, il était devenu encombrant… Vis-à-vis des musulmans, la purge n’est pas moins implacable : le mufti de Zagreb, Ismet Muftić, est publiquement pendu devant la mosquée (10) de la ville, tandis que dans les villages de Bosnie-Herzégovine, de nombreux imams et hafiz subissent un sort tout aussi tragique. Mais le grand ennemi des communistes demeure sans conteste l’Église Catholique contre laquelle ils s’acharnent tout particulièrement (11). Au cours de la guerre, le clergé catholique avait déjà fait l’objet d’une campagne haineuse, tant de la part des tchetniks orthodoxes que des partisans athées. Des dizaines de prêtres avaient été tués, souvent dans des conditions atroces comme les Pères Juraj Gospodnetić et Pavao Gvozdanić, tous deux empalés et rôtis sur un feu, ou les Pères Josip Brajnović et Jakov Barišić qui furent écorchés vifs (12). À la « Libération », cette entreprise d’extermination se poursuit : désignés comme « ennemis du peuple » et « agents de la réaction étrangère », des centaines de religieux sont emprisonnés et liquidés (13), les biens de l’Église sont confisqués et la presse confessionnelle interdite. « Dieu n’existe pas » (Nema Boga) récitent désormais les écoliers tandis que de son côté, l’académicien Marko Konstrenčić proclame fièrement que « Dieu est mort » (14). Au cœur de cette tempête anticléricale, la haute hiérarchie n’échappe pas aux persécutions : deux évêques (NN.SS. Josip Marija Carević et Janko Šimrak) meurent aux mains de leurs geôliers ; deux autres (NN.SS. Ivan Šarić et Josip Garić) doivent se réfugier à l’étranger ; l’archevêque de Zagreb (Mgr Stepinac) est condamné à 16 ans de travaux forcés et l’évêque de Mostar (Mgr Petar Čule) à 11 ans de détention. D’autres prélats (NN.SS. Frane Franić, Lajčo Budanović, Josip Srebrnić, Ćiril Banić, Josip Pavlišić, Dragutin Čelik et Josip Lach) sont victimes de violentes agressions (coups et blessures, lapidation) et confrontés à un harcèlement administratif constant (15). En ordonnant ou en couvrant de son autorité ces dénis de justice et ces crimes, le régime communiste entend visiblement abolir la religion et anéantir le patrimoine spirituel du peuple croate. Odieuse en soi, cette démarche totalitaire n’agresse pas seulement les consciences mais elle participe en outre de l’aristocide que nous évoquions plus haut car elle prive, parfois définitivement, le pays de très nombreux talents et de beaucoup d’intelligence. Au nombre des prêtres sacrifiés sur l’autel de l’athéisme militant, beaucoup sont, en effet, des gens dont la contribution à la culture nationale est précieuse, voire irremplaçable (16).

 

Terreur culturelle

 

            Un quatrième groupe fait l’objet de toutes les « attentions » des épurateurs, celui des intellectuels. Pour avoir une idée de ce que les communistes purs et durs pensent alors de cette catégorie de citoyens, il suffit de se rappeler ce que Lénine lui-même en disait. À Maxime Gorki qui lui demandait, en 1919, de se montrer clément envers quelques savants, Vladimir Oulianov répondait brutalement que « ces petits intellectuels minables, laquais du capitalisme (…) se veulent le cerveau de la nation » mais « en réalité, ce n’est pas le cerveau, c’est de la merde » (17). Sur de tels présupposés, il est évident que les Croates qui n’ont pas fait le bon choix peuvent s’attendre au pire. Dès le 18 mai 1944, le poète Vladimir Nazor (un marxiste de très fraîche date)-(18) a d’ailleurs annoncé que ceux qui ont collaboré avec l’ennemi et fait de la propagande par la parole, le geste ou l’écrit, surtout en art en en littérature, seront désignés comme ennemis du peuple et punis de mort ou, pour quelques cas exceptionnels, de travaux forcés (19). La promesse a le mérite d’être claire et l’on comprend pourquoi le consul de France à Zagreb, M. André Gaillard, va bientôt qualifier la situation de « Terreur Rouge » (20)…

 

            Les intentions purificatoires du Conseil Antifasciste de Libération ne tardent pas à se concrétiser et leurs effets sont dévastateurs. À Bleiburg comme aux quatre coins de la Croatie, la chasse aux intellectuels mal-pensants est ouverte. Dans la tourmente disparaissent les écrivains Mile Budak, Ivan Softa, Jerko Skračić, Mustafa Busuladžić, Vladimir Jurčić, Gabrijel Cvitan, Marijan Matijašević, Albert Haller et Zdenka Smrekar, ainsi que les poètes Branko Klarić, Vinko Kos, Stanko Vitković et Ismet Žunić. Échappant à la mort, d’autres écopent de lourdes peines de prison à l’instar de Zvonimir Remeta (perpétuité), Petar Grgec (7 ans), Edhem Mulabdić, Alija Nametak (15 ans) ou Enver Čolaković. Bénéficiant d’une relative mansuétude, quelques-uns s’en sortent mieux comme les poètes Tin Ujević et Abdurezak Bjelevac ou encore l’historien Rudolf Horvat qui se voient simplement interdire de publier. Tenus pour spécialement nocifs, les journalistes subissent quant à eux une hécatombe : Josip Belošević, Franjo Bubanić, Boris Berković, Josip Baljkas, Mijo Bzik, Stjepan Frauenheim, Mijo Hans, Antun Jedvaj, Vjekoslav Kirin, Milivoj Magdić, Ivan Maronić, Tias Mortigjija, Vilim Peroš, Đuro Teufel, Danijel Uvanović et Vladimir Židovec sont assassinés, leur collègue Stanislav Polonijo disparaît à Bleiburg, tandis que Mladen Bošnjak, Krešimir Devčić, Milivoj Kern-Mačković, Antun Šenda, Savić-Marković Štedimlija, le Père Čedomil Čekada et Theodor Uzorinac sont incarcérés, parfois pour très longtemps (21).

 

            La répression frappe très largement et les gens de presse ou les écrivains sont loin d’être les seuls à passer au tamis de la Commission d’enquête sur les crimes de collaboration culturelle avec l’ennemi (Anketna komisija za utvrdjivanje zločina kulturnom suradnjom s neprijateljem). Une « grande peur », pour reprendre l’expression de Bogdan Radica (22), règne sur la Croatie où des milliers de citoyens sont contraints de répondre à un questionnaire inquisitorial (le fameux Upitni arak). Artistes, universitaires, magistrats, médecins, personnels des hôpitaux, membres des institutions scientifiques ou sportives, tous sont visés et pour ceux qui ne satisfont pas aux nouvelles normes, la sanction est immédiate. Au nombre des plus sévèrement « punis », citons l’architecte Lovro Celio-Cega, le diplomate Zvonko Cihlar, le banquier Emil Dinter, l’ingénieur naval Đuro Stipetić ou les médecins Šime Cvitanović et Ljudevit Jurak (23), tous assassinés. Chez les musiciens, les peines sont plus légères : le compositeur (et franciscain) Kamilo Kob se voit tout de même infliger 6 ans de prison et son collègue Zlatko Grgošević 6 mois de travaux forcés, tandis que le célèbre maestro Lovro Matačić passe 10 mois derrière les barbelés et que son confrère Rado degl’Ivellio est chassé du Théâtre National. Le peintre (et prêtre) Marko Ćosić est condamné à 10 ans d’incarcération et le sculpteur Rudolf Švagel-Lešić à 5 ans de la même peine ; plus chanceux, les peintres Oto Antonini, Ljubo Babić et Rudolf Marčić sont simplement interdits d’exposition. Le ratissage entrepris par la police politique est très systématique et des gens très divers, souvent peu politisés, se retrouvent au bagne comme le chansonnier Viki Glovački, le photographe Ljudevit Kowalsky, le géographe Oto Oppitz, le financier Branko Pliverić ou l’orientaliste Hazim Šabanović.

 

            D’une brutalité inouie, cette grande purge cause dans la société croate un traumatisme profond, d’autant qu’elle s’accompagne de l’émigration massive et définitive de ceux qui parviennent à passer au travers des mailles du filet. Notons que pour parachever leur travail de déculturation, les communistes procèdent dans le même temps au nettoyage des bibliothèques publics et privées afin d’en extraire les « mauvaises » références. Sont ainsi pilonnés les ouvrages « oustachis » (y compris des éditions de Racine, Hugo ou Dostoïevski dont la seule « tare » est d’avoir eu recours à l’orthographe en vigueur sous l’État Indépendant Croate) et les « livres de l’ennemi », c’est à dire tous ceux qui sont rédigés en italien ou en allemand. On jette par exemple les textes de Nietzsche, Kant ou Dante ainsi que des traductions d’Eschyle, Homère, Sophocle, Euripide et Tacite (24)… Chef de l’Agitprop, Milovan Đilas (la future coqueluche des libéraux de Saint-Germain-des-Prés) recommande, en janvier 1947, de se débarrasser des livres de Roald Amundsen mais aussi des œuvres toxiques de Bernard Shaw et Gustave Flaubert (25). Restent toutefois, pour ceux qui veulent se cultiver, les ouvrages édifiants de Marx, Lénine et Dietzgen ( ! ) ou ceux des nouveaux maîtres à penser que sont Đilas, Kardelj et « Čiča Janko » (Moša Pijade)…

 

            Au terme de ce bref et sinistre panorama, il semble bien que l’on puisse, sans exagération, considérer l’épuration communiste de la Croatie comme un aristocide. Cruelle et imbécile, cette « chasse aux sorcières » n’a jamais eu pour but de châtier de quelconques « criminels fascistes » (il n’y en avait guère) mais bien de se débarrasser d’une intelligentsia supposément hostile et de priver la Croatie d’une grande partie de ses moyens afin de faire place nette aux apparatchiks du nouveau régime. L’opération a, hélas, parfaitement atteint ses objectifs et la Croatie mettra près de 25 ans à se doter d’une nouvelle élite digne de ce nom, puis encore 20 ans à émerger définitivement du cauchemar yougo-communiste !                                      

 

Christophe Dolbeau 

 

Notes

 

(1) Voir C. Dolbeau, « Bleiburg, démocide yougoslave », in Tabou, vol. 17, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2010, 7-26.

 

(2) À propos de ces camps, le témoin britannique Frank Waddams (qui résidait en Yougoslavie à la fin de la guerre) affirme que « la famine, la surpopulation, la brutalité et la mortalité en faisaient des endroits bien pires que Dachau ou Buchenwald » – cf. N. Beloff, Tito’s flawed legacy, London, Victor Gollancz, 1985, p. 134.

 

(3) Grâce, il faut bien le dire, à une aide massive des Alliés comme en atteste par exemple l’ampleur exceptionnelle de l’ « Opération Audrey » – voir Louis Huot, Guns for Tito, New York, L. B. Fischer, 1945 et Kirk Ford Jr, OSS and the Yugoslav Resistance, 1943-1945, College Station, TAMU Press, 2000.

 

(4) « Après la fondation de l’État, l’objectif suivant fut d’amener la nation à accepter à 100% le Parti Communiste et son monopole idéologique, ce qui fut d’abord obtenu par la persécution et en compromettant les adversaires de diverses manières, puis en veillant à éradiquer toute pensée hétérodoxe, c’est à dire divergeant ne serait-ce que de façon minime du point de vue du Comité Central du Parti Communiste » – D. Vukelić, « Censorship in Yugoslavia between 1945 and 1952 – Halfway between Stalin and West », Forum de Faenza, IECOB, 27-29 septembre 2010, p. 6.

 

(5) Voir R. J. Rummel, Death by Government, chapitre 2 (Definition of Democide), New Brunswick, Transaction Publishers, 1994.

 

(6) cf. N. Weyl, « Envy and Aristocide », in The Eugenics Bulletin, hiver 1984. Voir également T. Sunić, « Sociobiologija Bleiburga », in Hrvatski List du 3 mars 2009 (repris dans The Occidental Observer du 15 mars 2009, sous le titre de « Dysgenics of a Communist Killing Field : the Croatian Bleiburg »).

 

(7) Junuz Ajanović, Edgar Angeli, Oton Ćuš, Franjo Dolački, Stjepan Dollezil, Julije Fritz, Mirko Gregorić, Đuro Grujić (Gruić), August Gustović, Muharem Hromić, Vladimir Kren, Slavko Kvaternik, Vladimir Laxa, Rudolf Lukanc, Bogdan Majetić, Ivan Markulj, Vladimir Metikoš, Josip Metzger, Stjepan Mifek, Ante Moškov, Antun Nardelli, Miroslav Navratil, Franjo Nikolić, Ivan Perčević, Makso Petanjek, Viktor Prebeg, Antun Prohaska, Adolf Sabljak, Tomislav Sertić, Vjekoslav Servatzy, Slavko Skolibar, Nikola Steinfl, Josip Šolc, Slavko Štancer, Ivan Tomašević, Mirko Vučković.

 

(8) Voir J. Jareb, « Sudbina posljednje hrvatske državne vlade i hrvatskih ministara iz drugog svjetskog rata », in Hrvatska Revija, N°2 (110), juin 1978, 218-224.

 

(9) Tel est le cas de M.M. Mehmed Alajbegović, Mile Budak, Pavao Canki, Vladimir Košak, Osman Kulenović, Živan Kuveždić, Slavko Kvaternik, Julije Makanec, Nikola Mandić, Miroslav Navratil, Mirko Puk et Nikola Steinfl.

 

(10) Le bâtiment sera fermé et ses minarets abattus en 1948.

 

(11) Au sujet de la querelle entre l’Église Catholique et l’État communiste yougoslave, voir l’article de B. Jandrić [« Croatian totalitarian communist government’s press in the preparation of the staged trial against the archbishop of Zagreb Alojzije Stepinac (1946) », in Review of Croatian History, vol. I, N°1 (décembre 2005)] et l’ouvrage de M. Akmadža (Katolička crkva u Hrvatskoj i komunistički režim 1945.-1966., Rijeka, Otokar Keršovani, 2004). 

 

(12) cf. Ante Čuvalo, « Croatian Catholic Priests, Theology Students and Religious Brothers killed by Communists and Serbian Chetniks in the Former Yugoslavia during and after World War II » – http://www.cuvalo.net/?p=46

 

(13) Signée par les évêques croates, une lettre pastorale du 20 septembre 1945 fait état de 243 prêtres assassinés, 169 emprisonnés et 89 disparus ; en septembre 1952, un autre document épiscopal parle de 371 religieux tués, 96 disparus, 200 emprisonnés et 500 réfugiés – cf. Th. Dragoun, Le dossier du cardinal Stepinac, Paris, NEL, 1958. Voir aussi I. Omrčanin, Martyrologe croate. Prêtres et religieux assassinés en haine de la foi de 1940 à 1951, Paris, NEL, 1962.

 

(14) Th. Dragoun, op. cité, p. 239.

 

(15) Ibid, p. 67, 213, 219, 248-254.

 

(16) On pense notamment au philosophe Bonaventura Radonić, à l’historien Kerubin Šegvić, au compositeur Petar Perica, au sociologue Dominik Barac, au byzantologue Ivo Guberina, à l’écrivain et distingué polyglotte Fran Binički et au biologiste Marijan Blažić, tous assassinés.

 

(17) cf. Le livre noir du communisme, sous la direction de S. Courtois, Paris, R. Laffont, 1998, p. 864.

 

(18) Avant la guerre, Vladimir Nazor (1876-1949) avait soutenu le royaliste serbe Bogoljub Jevtić puis le Parti Paysan Croate de V. Maček et en décembre 1941, il avait été nommé membre de l’Académie de Croatie (HAZU) par Ante Pavelić…

 

(19) cf. D. Vukelić, op. cité, p. 1.

 

(20) cf. G. Troude, Yougoslavie, un pari impossible ? : la question nationale de 1944 à 1960, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 69.

 

(21) Sur 332 titulaires de la carte de presse, seuls 27 seront autorisés à poursuivre l’exercice de leur métier. Pour une étude exhaustive sur la répression dans le milieu journalistique, voir J. Grbelja, Uništeni naraštaj : tragične sudbine novinara NDH, Zagreb, Regoč, 2000, ainsi que l’article de D. Vukelić mentionné en note 4.

 

(22) Voir B. Radica, « Veliki strah : Zagreb 1945 », in Hrvatska Revija, vol. 4 (20), 1955.

 

(23) Expert de renommée internationale, il avait fait partie, en juillet 1943, de la commission chargée d’enquêter en Ukraine sur le massacre communiste de Vinnytsia.

 

(24) cf. D. Vukelić, op. cité, pp. 21, 23/24.

 

(25) Dans la liste des auteurs prohibés figurent aussi Maurice Dekobra, Gaston Leroux (pour Chéri Bibi !) et Henri Massis (il est vrai que ce dernier prônait la création d’un « parti de l’intelligence » ce qui n’était pas vraiment à la mode dans la Yougoslavie de 1945…).